Mardi
5 Mars 2019
Il
n’y avait pas jusqu’ici de vision globale sur ce que devrait être une
agriculture qui « maintien ou accroît la production tout en améliorant les
résultats environnementaux » ; un Chercheur* s’est attelé à ce sujet
et nous présente un ensemble de préconisations qui valent de schéma général et
qu’il appelle « intensification soutenable » (durable).
Pour
cet auteur il s’agit de développer des synergies entre les systèmes agricoles
et leurs composantes environnementales ; en fait l’agriculture ne doit pas
détruire le système paysager qui l’entoure mais s’y insérer de manière à ce que
les profits soient réciproques. Le concept est ouvert, il porte son effort sur
les résultats plutôt que sur les moyens ; il peut être appliqué à une
entreprise de taille quelconque et ne prédétermine ni les technologies, ni les
types de productions, ni les modèles à appliquer.
Ce
projet vers la durabilité comporte trois recommandations :
L’efficacité
se propose une réduction des pertes sur les intrants (nécessaires à l’activité
agricoles) et sur les produits (résultats de l’activité agricole).
Les
pratiques agricoles produisent beaucoup de déchets. Les pertes des produits
agrochimiques affectent l’environnement, les pertes de récolte réduisent la
quantité de nourriture qui sera utilisable. L’efficacité consistera à mieux
utiliser les fournitures : engrais, pesticides, eau etc. c’est l’objet de
l’agriculture de précision. Il faut remarquer que celle-ci suppose des moyens
techniques importants (capteurs, drones, satellites météorologiques etc.)
et de bonnes connaissances en biologie. L’agriculteur doit être un excellent
technicien.
La
substitution se propose de remplacer les technologies et les pratiques agricoles
existantes. On substituera, aux cultures du sol, des techniques plus économes et respectueuses de sa
conservation, ainsi on aura recours aux cultures hydroponiques, on
préférera les cultures sans labours, les semis directs. On substituera aux pesticides
de synthèse des agents de contrôle biologique. On remplacera les producteurs
actuels par d’autres plus efficaces issus de la sélection : variétés ou races
animales qui convertissent mieux les intrants en biomasse, qui sont mieux
adaptées au climat, aux sols, aux parasites.
Le
remodelage des systèmes a pour but de maîtriser les processus écologiques que
sont : la prédation, le parasitisme, l’herbivorie, la fixation de l’azote,
la pollinisation, les dépendances alimentaires etc. Le premier souhait étant de
moduler les émissions de gaz à effet de serre, de fournir de l’eau propre, de maximiser
la séquestration du carbone, de promouvoir la biodiversité, de disperser et d’atténuer
les effets des pestes, pathogènes et mauvaises herbes. Le remodelage doit être
l’action la plus transformatrice du projet ; elle aura un effet multiplicatif
sur les systèmes de production alors que les deux premières recommandations
n’ont qu’un effet additif.
Peut-on
à la fois accroître la production tout en protégeant l’environnement ?
L’approche multiplicative améliore les rendements en combinant l’utilisation de
nouvelles variétés et une direction agroécologique de l’exploitation ;
l’approche additive nécessite une diversification des fermes en un large
assortiment de cultures à l’opposé de la monoculture actuelle.
Les
traitements conventionnels des pestes et parasites posent problème car, bien
souvent non spécifiques, ils détruisent de nombreuses espèces naturelles non
parasites (la baisse du nombre d’insectes que nous observons témoigne de l’aberration
de ces traitements) ; ils induisent aussi l’apparition de formes
résistantes. Un traitement intégré des pestes et parasites est nécessaire ce
doit être une boite à outils d’interventions qui combine l’utilisation de
pesticides spécifiques avec des techniques agronomiques et biologiques de contrôle des différentes
classes de parasites des cultures.
La
mise en place d’agrosystèmes ne peut se concevoir qu’à l’échelle du paysage car
ils doivent fournir plusieurs services : production alimentaire, recyclage
des aliments, lutte contre les parasites, conservation des sols, stockage du
carbone, maintien de la diversité spécifique. Dès lors les actions
individuelles libres sont insuffisantes la coopération est indispensable. Une
nouvelle connaissance doit être créée collectivement.
Cette
vision globale est intéressante ; ce n’est ni une agriculture biologique
qui ne sera pas en mesure de nourrir les populations toujours croissantes, ni
une agriculture raisonnée qui oublie un peu l’environnement naturel. L’auteur
est conscient qu’elle nécessite des investissements importants notamment pour
faire une agriculture de précision ; il faudra aussi former les futurs
agriculteurs non seulement à la connaissance des techniques agricoles mais
aussi à l’écologie. Conscient de ces difficultés il note modestement qu’il n’y
a pas d’exigence de « point final parfait ».
*
J. Pretty Science, 23 Novembre 2018,
N°6417, pp.908-915
Les questions environnementales vous intéressent-elles ? Vous pouvez enrichir vos connaissances et acquérir une vision globale de ces problèmes en lisant mon dernier livre : « Environnement, l’Hypothèque Démographique ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire