Phytophagie.

Samedi 5 Août 2023

La phytophagie concerne toute les espèces qui se nourrissent de plantes ou sucent leur sève. Il faut remarquer tout de suite qu’elles sont le passage nécessaire entre les capteurs d’énergie et de micronutriments que constituent les plantes et les espèces prédatrices qui se nourrissent précisément de ces phytophages (le loup mange la brebis qui se nourrit d’herbe). Nous ne parlerons pas dans ce billet des insectes qui sont des herbivores majeurs et qui nécessiteraient un développement plus long.

L’herbivore est confronté à un monde végétal immobile et très diversifié. Il doit « cueillir » sa nourriture et pour cela sa denture s’est adaptée à cette contrainte. Il peut être ainsi brouteur s’il choisit les feuilles et les jeunes pousses de plantes arbustives ou pâtureur s’il se nourrit d’herbe. Sa denture est adaptée à la section de l’herbe ou des jeunes pousses : incisives tranchantes à chaque mâchoire (cheval, chèvre) ou absence d’incisives à la mâchoire supérieure permettant une forte préhension de l’herbe et son arrachement (vache). Autre particularité des herbivores, leur tube digestif est adapté à une nourriture végétale indigeste, il est long avec des poches (rumen des bovidés par exemple) dans lesquelles l’herbe est soumise à l’action de bactéries qui assurent une part de sa digestion. Le bol alimentaire s’y déplace lentement, permettant ainsi une digestion plus complète du végétal

L’herbivore ne détruit que partiellement la plante dont il se nourrit mais il l’affecte sérieusement et cela d’autant plus s’il revient consommer  l’espèce qu’il préfère. Les relations entre l’herbivore et les plantes sont ainsi des relations de coévolution. Les plantes ont évolué en créant des organes ou des substances qui repoussent l’herbivore, l’herbivore peut avoir acquis des protections contre les obstacles qui le contraindraient à éviter la plante qu’il préfère.

La plante peut s’opposer au phytophage en développant des structures physiques : les épines par exemple sont d’excellents protecteurs, mais d’autres caractères rendent sa consommation plus désagréable et plus indigeste telles que le revêtement des feuilles par une couche cireuse épaisse, ou par une forte pilosité. La défense biochimique est la plus efficace, la plante synthétise des composés secondaires qu’elle stocke et qui sont très toxiques ou indigestes. Ils sont de trois sortes : des composés azotés, des terpènes, et des phénols.  

Dans les composés azotés, on trouve : les alcaloïdes (morphine du pavot, nicotine du tabac extrêmement toxique) ; les amines (un ou plusieurs atomes d’hydrogène de l’ammoniaque NH3 est remplacé par un groupe carboné) sont malodorantes ; les glucosides cyanogènes libèrent l’acide cyanhydrique CNH très toxique (dans les amandes amères par exemple).

Les terpénoïdes comprennent : les mono terpènes présents dans  les huiles essentielles (très odorants) ; les di terpènes que l’on trouve dans les latex et les résines végétales (toxiques) ; les saponines présentes dans les solanacées (solanine de la pomme de terre, très toxique).

Les polyphénols : la lignine présente chez toutes les plantes arbustives car indispensable à leur structure est très indigeste, les tannins précipitent les protéines, notamment les protéines salivaires dénaturant ainsi le goût.

Le phytophage choisit les plantes dont les défenses ne constituent pas un danger pour lui, il peut même avoir acquis une insensibilité à certains composés toxiques. La plante au contraire s’est maintenue en créant de nouvelles molécules qui contrarient la phytophagie.

A partir de ces informations élémentaires, on peut concevoir que l’espèce humaine ne peut-être un herbivore strict. Les végétariens sont contraints d’apporter à leur nourriture des compléments protéiniques et vitaminés présents de manière plus concentrée dans la nourriture carnée.   

La domestication de la vigne.

Lundi 3 Juillet 2023


Nos espèces domestiques ont beaucoup changé depuis que l’être humain, au Néolithique, a inventé l’agriculture. Elles sont passées du stade naturel sauvage au stade d’adaptation aux besoins agricoles et humains. Cette transformation s’est faite à partir de prélèvement dans les sources situées aux centres d’origine des espèces, d’améliorations génétiques, enfin elles ont été transportées  et échangées par l’homme. Que s’est-il passé avec la vigne ; des chercheurs* ont essayé, à partir d’analogies génétiques, de retrouver d’où viennent les cépages qui sont utilisés maintenant et comment ils se sont diversifiés au cours du temps. Nous allons donner ici les principales étapes de ce parcours.

La vigne que nous cultivons Vitis vinifera est une espèce monoïque et hermaphrodite (les fleurs de chaque pied  portent à la fois les éléments mâles qui fournissent le pollen et femelles qui fournissent les ovules), elle est aussi auto fertile c’est-à-dire qu’elle se féconde par son propre pollen. On sait aussi que Vitis vinifera provient d’une espèce sauvage : Vitis sylvestris ; mais celle-ci est dioïque, il y a des pieds mâles qui fournissent le pollen est des pieds femelles. Il est sans doute apparu, à un moment donné, des pieds monoïques chez cette espèce sauvage qui est la source de notre espèce cultivée. Notons que cette possibilité est fréquente chez les espèces dioïques ; ainsi le Kiwi cultivé est une espèce dioïque, sa culture se fait en mélangeant des pieds mâles parmi les pieds femelles ; mais on vend aussi des variétés monoïques qui n’ont pas besoin de pollinisateurs.

Pour établir les différentes étapes du processus de domestication les chercheurs ont utilisé 2503 clones de V. vinifera et de 1022 clones de V. sylvestris provenant de tous les pays où la vigne est cultivée. Sur chacun on a, par séquençage de l’ADN, recherché le polymorphisme mono-nucléotidique et les insertions ou délétions bi alléliques (altérations de l’ADN sur de courtes séquences) ; c’est sur cette variabilité qu’est basée l’étude. 

Comment a évolué V. sylvestris ? L’espèce s’est scindée en deux branches au paléolithique il y a 200 000 ans. La source orientale comprend des écotypes sauvages provenant du Caucase et de l’Asie Occidentale (Jordanie, Liban, Syrie, Israël, Anatolie Turque) la source occidentale comprend des écotypes sauvages provenant de l’Europe Centrale et de la Péninsule Ibérique. La source orientale s’est à son tour scindée il y a 56 000 ans à la fin du paléolithique en deux branches Syl-E1 et Syl-E2.

Selon les auteurs de la publication, la source occidentale de V. sylvestris, peu diversifiée, n’est intervenue dans la domestication que par introgression (prélèvements par croisements dispersés dans le temps  de gènes dans une population source). La source orientale, avec le climat humide du début de l’holocène il y a 11 000 ans, s’est  le plus diversifiée et  répandue de l’Asie centrale à la péninsule Ibérique. C’est à elle que nous devons les V. vinifera que nous cultivons aujourd’hui. De la sous branche orientale Syl-E2 on a extrait le groupe cultivé GC2 de vignes à vin du Caucase ; de la sous branche orientale Syl-E1 on a extrait le groupe cultivé GC1 des vignes de table largement distribué en Europe occidentale, le groupe cultivé GC3 de vignes de table et de vignes à vin largement distribué dans l’Europe occidentale et au proche orient, le groupe cultivé GC4 de vignes à vin des Balkans, le groupe cultivé GC5 de vignes à vin de la péninsule Ibérique et le groupe cultivé GC6 de vignes à vin d’Europe occidentale. Les auteurs notent qu’il n’y a pas eu extraction des vignes à vin des vignes de table ; dès le départ leur origine était différente (GC1  et GC3), la publication insiste sur la dualité des sources.

On peut s’étonner tout de même, du fait de la richesse en variétés cultivées de vignes de la France, l’Italie et l’Espagne, que l’Europe occidentale ne doive sa viticulture qu’à des apports orientaux ; la source occidentale de V. sylvestris était-elle si pauvre que les agriculteurs du néolithique n’y ait pas puisé ? Ou a-t-elle été sous représentée dans l’étude ?

 

*Yang Dong et al. Science 3 Mars 2023, N°6635, pp. 892-901

Le bien-être animal.

Lundi 5 Juin 2023

L’animal de la ferme, considéré d’abord comme une richesse matérielle inerte qui ne perçoit ni la douleur ni l’émotion, a subi au cours du temps, selon le bon vouloir de ses propriétaires, des traitements pouvant être extrêmement dommageables. Ce n’est que récemment que la demande publique s’est émue de ces comportement et a exigé l’amélioration du bien- être animal. En 2015 la France reconnaissait l’animal comme un être vivant doué de sensibilité. L’Europe a édicté les « libertés »  qui sont dues à l’animal pour assurer son bien-être et qui sont en fait l’opposé de ce qui est source du mal être animal :

Libertés relatives à sa santé physique :

-         Satisfaction de la faim et de la soif,

-         Absence de maladies et de blessures,

Libertés relatives à sa santé morale :

-         Absence de stress et de douleur

-         Absence d’inconfort

Liberté de comportement

-         Sa vie doit se rapprocher de ce qu’elle serait en milieu naturel.

Faut-il aller plus loin ?

Des chercheurs* s’intéressent à ces questions. Ils considèrent d’abord que le comportement dans un milieu naturel est une mesure médiocre de leur bien-être. La vie dans la nature est brutale, l’animal peut-être une proie, il ne sera pas soigné s’il est malade ou blessé, sa mort peut-être une longue agonie. « La vie dans la nature ne prend pas en compte ce que l’animal désire, il reflète simplement son état momentané ». Il se cache car il sent le danger, il recherche la nourriture car il a faim, il a froid en hiver et chaud en été. Son bien être momentané est court, il essai de l’améliorer continuellement. L’analyse doit donc aller plus loin.

Si la plupart des animaux de ferme ont des comportements innés, la sélection les a rendus plus flexibles en agissant davantage vers ce qui est bon pour eux ; il ne s’agit pas de réaliser un comportement mais d’avoir une récompense ou une punition à la suite de celui-ci. L’animal peut apprendre à  utiliser des actions non naturelles pour obtenir une récompense. L’exemple intéressant qui est donné est celui de la vache qui appuyant avec son museau sur un bouton, va mettre en mouvement une brosse qui frottera son dos. L’animal ne réalise pas ici ce que pourrait être à l’état naturel le comportement inné de brossage contre un arbre ou un buisson, en fait ce qui compte pour lui c’est la récompense associée au toucher du bouton.

Connaître ce que l’animal perçoit comme récompense ou punition permet de définir ce qu’est pour lui le bien-être.  Le chercheur peut trouver ainsi des stimuli non naturels que l’animal considère comme bons ; mais aussi il peut comparer les difficultés qu’aura l’animal pour obtenir les récompenses ; enfin il peut définir des états de bien-être négatifs, ceux qui produisent douleur ou inconfort alors que l’animal est contraint de les réaliser, ceux qui anticipent la douleur, ceux qui entraînent une frustration car ne donnant pas la réponse attendue.

Le bien-être de l’animal de la ferme n’est finalement pas un retour à la vie naturelle mais une situation plus complexe où l’inné bien que présent est  nuancé par les conditions de la vie domestique.

*Maryan Stamp Dawkins, Science, 27 janvier 2023, N° 6630, pp. 326-328

L'écologie politique

Vendredi 5 Mai 2023

 

Voyons d’abord ce qu’est l’écologie pour mieux cerner ensuite ce qu’est l’écologie politique.

L’écologie est l’étude des interactions entre les organismes vivants et leur environnement physique et biologique. C’est une science ; en ce sens, elle soumet ses objets d’étude à l’observation, à l’énoncé d’hypothèses et à l’expérimentation de façon à mettre en évidence des lois sur leur fonctionnement et même échafauder des théories. Elle s’appuie sur d’autres sciences : les mathématiques, la statistique, la physique, la biologie et notamment la théorie de l’évolution.

L’écologie se divise en plusieurs branches :

Elle s’intéresse d’abord  à l’individu. Comment est-il adapté à son milieu, comment en utilise-t-il  les composants, ses réactions aux changements climatiques, les limites qui entravent son fonctionnement. Tout ceci concerne l’Ecologie Physiologique.

L’individu vit en groupes qui rassemblent plusieurs individus de la même espèce. L’étude des relations entre individus du groupe, de l’évolution du  groupe sous l’effet de contraintes extérieures ou intérieures constitue l’Ecologie des Populations.

Les populations de différentes espèces coexistent à un même lieu elles peuvent se combattre : prédations, ou s’entre aider : symbioses. L’étude des relations à l’intérieur de ces groupes ou écosystèmes constitue l’Ecologie des Communautés.

En un même lieu peuvent se juxtaposer plusieurs écosystèmes, que se  passe-t-il à leur limite? Ceci concerne l’Ecologie des Paysages.

Peut-on réparer des systèmes naturels endommagés par les activités humaines ? C’est le domaine de l’Ecologie de Restauration.

Enfin, le milieu exerce une pression sélective sur les individus. Elle va favoriser certains phénotypes qui auront  des descendances plus nombreuses, et défavoriser les autres ; ces réponses évolutives dépendent de la variabilité génétique présente dans la population. Comment chaque individu va faire face au défi que lui pose la sélection naturelle pour se maintenir et même  assurer une place prépondérante dans son espèce, tel est le sujet de l’Ecologie Evolutive.

Nous devons bien séparer l’écologie des Sciences Environnementales qui s’occupent de l’impact des activités humaines sur le milieu naturel : dérèglements climatiques, pertes de biodiversité, pollutions etc.

Nous arrivons maintenant  à l’écologie politique qui rassemble en fait deux termes difficilement compatibles. « Ecologie » désigne une science et donc associé à une rigueur de raisonnement, « Politique » est relatif à l’étude de l’organisation d’un état et du déterminisme de son fonctionnement. Il fait partie des Sciences Humaines chez lesquelles l’expérimentation est difficile sinon impossible.

L’écologie peut-elle être la caution de la valeur d’un système politique ? Difficilement, car ce que l’on y étudie n’a aucune relation avec les systèmes de gouvernement des Etats.

Ce que l’on pourrait associer au terme « Politique » est : « Sciences Environnementales » ; le contenu de ces dernières pouvant servir à justifier le choix d’un système politique dont l’impact de l’activité humaine sur le milieu naturel est le plus faible. On nommerait alors « Environnementalistes » ceux qui veulent  lier le politique à la défense du milieu naturel. Cela obligerait à mieux connaître le contenu de l’écologie au sens strict et celui des sciences de l’environnement.    

Agriculture et sauvegarde du milieu naturel.

Mercredi 5 Avril 2023


L’idée maîtresse qui a fondé l’écologie est que l’énergie et les nutriments issus du monde naturel (soleil, eau, terre) présents dans un milieu donné, sont captés à la base par des espèces photosynthétiques qui à leur tour vont nourrir des espèces associées jusqu’à ce que le flux prélevé d’énergie et de nutriments soit épuisé au niveau des espèces apicales. Ces écosystèmes multi spécifiques se sont construits naturellement au cours de l’évolution.

L’agriculture est une rupture de l’écosystème ; l’être humain l’installe à sa place, et à l’aide d’une seule espèce, il capte l’énergie et les nutriments qui y sont disponibles pour satisfaire uniquement ses besoins. Ce détournement a permis l’expansion illimitée de l’espèce humaine et une réduction concomitante du nombre des autres espèces.

Dans la mesure où la place réservée à l’agriculture aurait été limitée à un niveau raisonnable sa coexistence avec les écosystèmes naturels aurait pu persister ; mais la population humaine, toujours en croissance, à rongé continuellement l’espace au profit de l’agriculture au point de réduire ce qui était nécessaire à la survie des autres espèces. La surface de notre planète est  maintenant occupée en majorité par un petit nombre d’espèces « utiles » à l’homme alors que beaucoup d’espèces « sauvages » ont disparu ou sont sur le point de disparaître.

Est-il possible de modifier cette dérive égoïste ?

Il faudrait d’abord ralentir puis stopper la croissance de la population mondiale sans quoi aucune autre action ne pourra être efficace. Plus l’espèce humaine compte d’individus plus il faut des terres agricoles pour les nourrir car nous n’assimilons que des produits issus du monde biologique. J’ai déjà maintes fois alerté sur les problèmes qu’entraîne la surpopulation mondiale. Le contrôle de la croissance de la population humaine reste incertain tant existent des disparités culturelles, cultuelles,  et éducationnelles entre les Etats.

Il faut ensuite arrêter l’expansion des terres dédiées à l’agriculture ; ceci est quasiment impossible dans des pays où la population est en croissance. Cela suppose paradoxalement d’accroître la production des autres terres déjà cultivées ! Pour cela il faudrait accepter d’y pratiquer une agriculture qui n’est pas uniquement biologique (sans intrants chimiques).

Il faudra désaffecter des terres agricoles et les rendre au milieu naturel. On choisira celles qui côtoient déjà un espace non cultivé ce qui facilitera leur retour à l’état sauvage sans qu’il soit nécessaire d’intervenir. En revanche, ne plus cultiver une terre située au milieu d’un espace agricole est contaminant pour les cultures qui l’entourent, et du fait de son isolation, inefficace pour y  restaurer rapidement un espace naturel complet.

Enfin on peut rendre les terres cultivées moins exclusives aux espèces sauvages. On fragmentera les grands espaces établis en monoculture pour y faire de la polyculture car une monoculture exclue toujours les mêmes espèces sauvages. On pourra aussi adopter des assolements qui non seulement seront favorables à la culture mais aussi permettent le maintien partiel de la diversité spécifique. On encerclera les espaces cultivés par des haies pourvoyeuses d’abris et de nourriture. Ces dispositifs sont maintenant largement appliqués.

En définitive, sauvegarder ce qui reste encore du monde biologique serait déjà satisfaisant.

La ramification racinaire.

 Dimanche 5 Mars 2023


La ramification racinaire n’est pas un dispositif physiologique automatique, il est fonction de l’état hydraté ou non du sol traversé par la racine. Si le sol est imbibé d’eau il y aura ramification s’il est sec il n’y en aura pas. Où se passe l’ensemble du processus de ramification ? Quel est-il ? Comment a-t-il été étudié ? En simplifiant, nous allons en dévoiler les principales caractéristiques.

Les chercheurs* qui ont étudié ce sujet ont utilisé un dispositif astucieux qu’ils appellent « zéro ramification ». Ils font traverser les pointes racinaires en croissance issues de la germination de graines de tomate à travers une couche hydratée (solution nutritive solidifiée par de l’agar) inductrice de la ramification (zone 3 qui contiendra les ramifications anciennes) ; puis une zone vide inhibitrice dite « zéro ramification » (zone 2) ; enfin, plus bas, une couche hydratée à nouveau inductrice mais où commenceront à se faire de nouvelles ramifications. Le dispositif est réalisé dans des tubes à essais en verre de manière à pouvoir suivre le trajet des racines. Avec ce dispositif il va être possible d’observer les processus biochimiques qui se produisent lorsque la pointe racinaire traverse une zone sans eau (zone 2 vide).

Y a-t-il une phytohormone qui serait en jeux ? L’acide abscissique hormone de la chute des feuilles et de la dormance pourrait intervenir. En effet des mutants d’Arabidopsis ne synthétisant pas l’acide abscissique, fabriquent des ramifications dans la zone vide du dispositif zéro ramification. Cette phytohormone marquée par un bio marqueur fluorescent va être suivie dans les différents tissus de la pointe racinaire. Autre phytohormone : l’auxine, qui est à l’origine de l’initiation des nouveaux organes chez les plantes va être suivie par le même procédé. 

Lorsque la pointe racinaire traverse la zone 2 vide, il y a inversement du flux de l’eau. Ce flux, qui allait de l’extérieur vers l’intérieur (la racine par voie osmotique pompait l’eau en zone 3) va changer de sens, il ira de l’intérieur vers l’extérieur car la pointe racinaire privée d’eau se dessècherait ; elle fait donc appel à l’eau pompée qui descend par les vaisseaux du phloème et irrigue à partir du centre de la pointe racinaire (la stèle) les cellules périphériques. Ce changement de trajet du flux hydrique qui se fait en 8 heures, emmène avec lui de l’acide abscissique. En effet, si l’on quantifie les changements temporels de cette phyto auxine, on constate que sa teneur s’accroît dans les tissus épidermiques 12 heures après le stimulus zéro ramification.

Que fait l’acide abscissique dans ces tissus, il induit la fermeture réversible des plasmodesmes, pores présents à travers la paroi cellulaire squelettique par lesquels l’eau entre dans la cellule. Son arrivée   accroît les   dépôts de callose qui forment un anneau de chaque côté du plasmodesme. La fermeture des plasmodesmes a un autre effet, elle s’oppose à la migration, de l’épiderme vers le phloème, de l’auxine qui induit l’initiation des racines latérales. L’arrivée en zone 1 hydratée de la pointe racinaire principale va rétablir le flux hydrique allant de l’extérieur vers l’intérieur ce qui entraîne donc : baisse de la teneur en acide abscissique des tissus périphériques, ouverture des plasmodesmes, réalimentation du phloème en auxine et finalement reprise de la ramification racinaire. En définitive le processus de ramification racinaire est dû au déplacement dans le circuit d’eau de la pointe racinaire de deux phytohormones.

Cette démonstration expérimentale est remarquable, elle éclaircit un fonctionnement physiologique qui jusqu’ici nous échappait entièrement.

 

*Poonam Mhera et al., Science, 18 novembre 2022, N°6621, pp. 762-768.

 

Les fausses nouvelles en science.

Dimanche 5 Février 2023


Internet est plein de bonnes choses mais aussi plein de fausses nouvelles (fake news ou nouvelles truquées) qui circulent très vite, qui sont accessibles au plus grand nombre,  et qui peuvent être, lorsqu’il s’agit de la science, dangereuses. Nous sommes des non-initiés dans beaucoup de branches scientifiques et dans bien des cas nous dépendons de l’expertise des autres. Peut-on leur faire confiance ; notamment lorsqu’une information de nature scientifique circule sur internet est-elle vraie ou fausse ? Ce sujet a été abordé dans un article paru dans la revue Science* dons nous extrayons ici les principales idées.

Les exemples de fausses nouvelles scientifiques sont nombreux et repris dans des discussions où même les interlocuteurs sont d’un niveau culturel élevé. Par exemple : les changements climatiques actuels font partie des évolutions climatiques naturelles de notre planète et n’ont rien à voir avec les émissions de gaz à effet de serre dues aux combustions des carburants  fossiles ; les vaccins anti Covid peuvent donner de l’asthme ; les vaccins à A.R.N. messager ne sont pas des vaccins. De fausses nouvelles concernant des médicaments miracles sont encore plus fréquentes et peuvent avoir sur l’état de santé de patients non avertis, des effets désastreux.

Pourquoi accepte-t-on une fausse nouvelle ? Par paresse d’abord, il faut produire un effort pour aller contrôler  ce que la science dit sur le sujet. La fausse nouvelle peut conforter aussi l’idée que l’on se fait du monde ; elle nous situe parmi les réfractaires à des résultats scientifiques acquis mais qui souffrent de quelques exception. Plus fréquemment peut-être, c’est la méconnaissance  que l’on a du sujet qui est en cause parce qu’il ne nous a pas été enseigné, ou que nous en avons fait l’impasse au cours de nos études.

Il faut être un chercheur spécialiste de la question pour savoir si une publication scientifique nouvelle (qui peut faire l’objet d’une diffusion simplifiée dans les médias) est digne de confiance ou doit être rejetée parce que truquée ou erronée. Il fera intervenir sa connaissance personnelle  du sujet, mais aussi il vérifiera  que les règles qui contraignent la recherche ont été bien suivies : sources bibliographiques dignes de confiance, pas nécessairement favorables à l’idée que l’on veut démontrer, expérimentation rigoureuse et répétée, publication dans des revues à comité de lecture, etc. Il existe même des codifications de ces règles.

Pour le non initié, les questions qu’il peut se poser pour savoir si une information parue dans les médias est crédible  sont des questions de bon sens : la source d’information est-elle crédible ? Est-elle experte pour parler de ce sujet ?  Y-a-t-il un consensus entre les experts ?

Pour établir la crédibilité d’une nouvelle scientifique on s’assurera qu’il n’y a pas conflit d’intérêt (celui qui publie la nouvelle n’est-il pas intéressé par la vente d’un produit impliqué dans la publication ?), ni influence d’un parti pris politique. L’expertise sera plus difficile à établir : Qui publie la nouvelle ? Est-ce un organisme de recherche, un journal scientifique ou un inconnu qui n’est lié, en quoi que ce soit, à la recherche. Enfin en ce qui concerne le consensus, il est plus difficile à établir car au début, peu après la publication d’une nouvelle scientifique, peu d’experts se sont prononcés sur sa valeur. L’exemple le plus typique illustrant cette difficulté est celui du réchauffement climatique : est-il un fait réel lié aux émissions de gaz à effets de serre ou simplement une évolution naturelle du climat de notre planète. La responsabilité anthropique est majoritairement acceptée maintenant mais cela a pris beaucoup de temps.

 

*J. Osborne & D. Pimentel, Science 21 Octobre 2022, N°6617, pp. 246-248.    

 

Le gel et les plantes.

 Jeudi 5 Janvier 2023

Il faut d’abord distinguer deux catégories de gelées : les gelées de rayonnement ou gelées blanches et les gelées provoquées par une vague d’air froid ou gelées noires. Les premières sévissent généralement à la fin de l’automne et au printemps, les secondes sont des gelées d’hiver mais elles peuvent être tardives et dévastatrices au printemps.

La surface de la terre et les objets qui s’y trouvent perdent une partie de la chaleur qu’ils reçoivent du rayonnement solaire visible (lumière)  en émettant vers l’atmosphère des rayonnements invisibles (infrarouges); ils se refroidissent ainsi. La nuit, ne recevant plus le rayonnement solaire leur température va baisser. Cette baisse est ralentie par les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère qui piègent les rayons infrarouges émis. La vapeur d’eau est le plus efficace de ces gaz. Un ciel nuageux qui associe de l’eau à l’état gazeux (vapeur d’eau) et à l’état condensé (nuage) ralentit fortement le refroidissement du sol et des plantes, au contraire par temps clair en l’absence de nuages, le rayonnement infrarouge n’est plus retenu, le sol et les plantes se refroidissent, leur température superficielle va baisser jusqu’au point zéro. La vapeur d’eau qui subsistait dans l’air va ainsi se condenser donnant de la rosée et puis de la glace. Le sol, les plantes, les toits blanchissent c’est la gelée blanche.

Le processus de survenue d’une gelée noire n’est pas le même, il s’agit d’une masse d’air très froid provenant des pôles qui se déplace vers nos régions plus chaudes. La perte  de chaleur du sol et des plantes se fait vers la masse d’air froid qui s’écoule, elle est plus longue et leur température va baisser beaucoup plus bas.

Lors d’une gelée blanche les températures les plus basses sont situées  entre 0 et 80 cm au-dessus de la surface du sol, elles peuvent y atteindre -2 à -3°C. Plus haut les températures remontent et deviennent positives à 2 ou 3m au-dessus du sol. Il y a, de fait, une stratification de couches d’air froid en l’absence de vent. Ce n’est pas le cas pour une gelée noire, la masse d’air froid qui descend des pôles est homogène, la température y est généralement inférieure à -4°C et peut atteindre exceptionnellement -20°C. Les dégâts sur les plantes sont évidemment très différents d’un cas à l’autre.

Voyons d’abord comment agit le gel chez les végétaux. Les cristaux de glace apparaissent d’abord à la surface des organes de la plante dans l’eau de condensation ;  la glace va progresser ensuite vers l’intérieur dans les espaces intercellulaires des tissus et en dernier lieu cristalliser l’eau des cellules provoquant à la fois leur déshydratation et la rupture des structures. Les dégâts sont d’autant plus importants que l’organe concerné est riche en eau.  Notons ici que les écailles n’empêchent pas la température de baisser à l’intérieur des bourgeons, elles s’opposent à l’ensemencement, par la glace externe, de l’eau des organes internes (ébauche de bourgeons ou de fleurs). Le barrage des écailles maintient à l’état liquide l’eau tissulaire bien que les  températures y soit au-dessous de 0°C, c’est une surfusion.

Les gelées blanches, fréquentes en avril mai, n’affectent ni les plantes herbacées ni les plantes ligneuses de nos climats, elles sont adaptées, à cette période de l’année, à des   températures  de l’ordre de -2 à -3°C au niveau du sol. Seules les fleurs ou les jeunes bourgeons éclos de nos arbres fruitiers peuvent être détruits réduisant ainsi les récoltes. Les gelées noires sont beaucoup  plus graves. Si elles surviennent au printemps (avril, mai)  les bourgeons et les fleurs sont détruits dès que la température baisse en deçà de -4°C. En hiver les plantes herbacées ont leur partie aérienne « brulée » (les pelouses de montagne sont sèches), elles ne se reconstitueront qu’au printemps à partir d’ébauches de pousses qui apparaissent au niveau des racines que le sol a protégées du gel. Les plantes ligneuses (arbres et arbustes) adaptées à nos climats  peuvent résister à des températures de l’ordre de -15°C. Plus bas, les rameaux de l’année sont détruits, les écorces éclatent par grossissement des cristaux de glace, le bois se déshydrate et se dessèche ensuite. L’hiver glacial de 1956 (les températures y ont atteint selon les lieux -20°C) à détruit de nombreux arbres fruitiers, des pieds de vigne et probablement, en l’absence d’observations car sans intérêt économique, de nombreux arbres et arbustes sauvages.

On peut lutter contre les gelées blanches par un brassage de l’air qui mélange les couches froides près du sol avec les couches plus chaudes situées au-dessus de 2 mètres. On utilise à cet effet des ventilateurs de grande taille et même des hélicoptères dont les pales en mouvement vont mélanger les couches d’air. Le traitement des gelées noires est plus coûteux : chauffage de l’air, aspersion d’eau sur les plantes (l’eau qui se prend en glace sur la plante libère de la chaleur par baisse de sa température et par changement d’état), mise sous abris.               

La domestication de l'âne.

Lundi 5 Décembre 2022


L’âne (Equus asinus) animal domestique de trait et de portage a rendu d’éminents services dans nos pays avant l’invention des machines et continue à être utilisé dans les régions semi arides grâce à ses qualités d’endurance et de rusticité. S’il est devenu pour nous un animal de loisirs, son histoire nous intéresse parce qu’elle éclaire notre marche vers un accroissement de nos disponibilités énergétiques et une substitution de nos efforts par ceux d’une espèce animale.

Quand et où s’est faite la domestication de l’âne ? Un groupe de chercheur*, dans lequel figurent en bonne place des chercheurs français, s’est attaché à répondre à ces deux questions en utilisant des données archéologiques et des données génomiques par séquençage de l’ADN obtenu à partir de sources asiniennes diverses : 207 ânes modernes originaires de pays où cette espèce a été longtemps utilisée ; 31 ânes anciens provenant de restes trouvés dans des sites archéologiques (dans ce cas l’ADN partiellement dégradé doit faire l’objet d’une reconstitution) ; 17 onagres ou ânes sauvages d’origine africaine (Equus africanus) ou asiatique (Equus hemionus)

Les données archéologiques font état de présence d’ossements d’ânes dans des fouilles réalisées en Egypte à El Omari (4800 à 4500 AJC) et Maadi (4000 et 3800AJC) qui peuvent être interprétées comme appartenant à des animaux domestiqués. Des sculptures où sont représentés des ânes ont aussi été trouvées à Abydos en Libye. Ces éléments et d’autres, seraient en faveur d’une domestication de l’âne par des populations pastorales dans la zone qui s’étendrait de la Libye à la mer rouge aux environs de 5500 à 4500 ans AJC. Toutefois d’autres régions pourraient être à l’origine de la domestication de l’âne : le Yémen et la Mésopotamie.

Pour trancher le débat, les auteurs de l’article ont séquencé les génomes de 49 ânes modernes issus de régions sous représentées auxquels ils ont ajouté à 158 génomes déjà publiés pour créer une carte génomique des recombinaisons de l’espèce au niveau mondial. L’analyse en composantes principales de ces données montre un partage net entre les ânes d’Afrique et les ânes non africains. A l’intérieur du groupe africain existent deux sous classes : les ânes est africains (Ethiopie et Somalie) et les ânes ouest africains (Ghana Mauritanie et Nigeria). Les ânes non africains se divisent aussi en deux groupes les ânes européens et les ânes asiatiques.

A partir de l’analyse génomique réalisée sur ces ânes modernes, les auteurs concluent que les ânes de la corne d’Afrique représentent les descendants des premiers ânes domestiqués ; ils se seraient ensuite dispersés vers la péninsule arabique et l’Eurasie et sont revenus en Lybie et au Maghreb. Par ailleurs le séquençage d’anciens génomes, prélevés sur des ossements de 31 ânes exhumés de 11  sites archéologiques allant du Portugal à l’Asie Centrale, a montré une rapide dispersion de l’espèce domestiquée vers l’Asie alors qu’en direction de l’Europe, en dépit du fait que certains génomes présentent bien une proximité avec ceux de l’Afrique de l’ouest, de nombreux échanges sont intervenus au cours de la préhistoire et du moyen âge qui ont affecté plus fortement la source Afrique de l’Ouest.

Cette étude a permis de voir aussi que la domestication de l’âne n’a pas produit des niveaux de consanguinité plus élevés chez les ânes modernes que chez les anciens, ce qui n’est pas le cas chez le cheval. Enfin l’étude plus complète de restes asiniens trouvés  sur un site Romain (Boinville-en- Woëvre) affecté semble-t-il à l’élevage de reproducteurs, a montré que l’on y maintenait une lignée d’ânes de grande taille destinée à la production de mulets très utilisés par les armées romaines.

 

*Evelyn T. Todd et al. Science 9 septembre 2022, N°6611, pp.1172-1180  

Quelle surface de notre planète faudrait-il préserver pour un maintien satisfaisant de la biodiversité ?

Samedi 5 Novembre 2022


Nous avons déjà parlé de ce sujet et signalé les préconisations de la convention sur la diversité biologique d’Aichi au Japon (2010) qui estimait qu’il fallait que l’on réserve 17% de la surface de la planète (soit 25  millions de km2, surface de la terre 147 millions de km2 ) si l’on voulait maintenir cette biodiversité. Un article de la revue Science* revient sur ce sujet et donne des informations nouvelles plus précises.

Le choix d’une aire à conserver nécessite de définir des critères qui aiderons à rendre ce choix le plus pertinent possible. Plusieurs approches ont été proposées : retenir les aires en pondérant les espèces et écosystème qu’elles contiennent selon  leur endémicité et leur risque d’extinction ; retenir des aires sur la persistance globale de biodiversité  (aires clés), dans ce cas on s’attachera à la présence d’espèces ou d’écosystèmes menacés, ou de systèmes écologiques intacts rares ; retenir les aires encore intactes avant qu’elles ne soient dégradées. Selon les auteurs de l’étude ces critères utilisés séparément présentent des lacunes qui ne permettront pas un choix optimal des aires à conserver, leur projet est de les combiner dans un nouveau cadre global. Par ailleurs leur objectif n’est pas de désigner des « aires à conserver » car il existe, pour chaque aire, différentes stratégie de conservation des espèces et écosystèmes ; ils utilisent plutôt l’expression aires nécessitant une « attention à conserver ».

Les auteurs considèrent que 64,7millions de km2 (44% de la surface de la terre) nécessitent  une attention à conserver ; c’est bien au-delà des 17% de la convention d’Aichi. Cette surface englobe 35,1 millions de km2 d’aires écologiquement intactes, 20,5 millions de km2 d’aires protégées déjà existantes, 11,6 millions de km2 d’aires clés de biodiversité et 12,4 millions de km2 d’aires additionnelles nécessaires pour garantir la persistance d’espèces sur leur diversité minimale (notons que la somme de ces surfaces : 79,6 millions de km2, dépasse le chiffre proposé : 64,7 millions de km2, cela tient au fait que les aires qui ont été classées dans chaque catégorie se chevauchent partiellement).

Si 70,1% des zones qui nécessitant une attention à conserver sont actuellement intactes, les 29,9 % restantes ont des besoins de restauration, par ailleurs 2,2 millions de km2 situés dans les zones intactes sont susceptibles d’être converties d’ici 2050 en zones d’habitation ou d’intense activité humaine. Ces conversions sont variables d’un continent à l’autre et d’un pays à l’autre. Le continent africain serait le plus affecté (1,4 millions de km2). Les risques de conversion sont moindres en Océanie et en Amérique du Nord.

Un autre problème tient à la présence de populations humaines vivant déjà sur les zones intactes. Un quart des êtres humains (1,87 milliards d’individus) sont concernés, essentiellement en Afrique, Asie et Amérique centrale. La plupart de ces populations ont une économie émergente ce qui implique que les stratégies de conservation n’entravent pas leur développement économique. On ne peut plus protéger ces terres en déplaçant les populations indigènes, ce serait injuste et même impossible. Il faut reconnaître que ces populations ont montré, dans leurs pratiques coutumières, une autorité indiscutable pour la protection de la biodiversité, et qu’elles  doivent pouvoir se maintenir  sur leur terre et en garder la possession.

Sur les zones qui méritent "attention de protection", les créations de routes, le développement de l’agriculture, de l’activité forestière, ou de l’extraction de minerais doivent se faire précautionneusement en tenant compte des espèces qui y vivent et de la menace qui pèsent sur leur disparition. La pression humaine va s’accroître avec l’augmentation de la population et de la consommation, il faudra donc apprendre localement l’importance de la sauvegarde de la diversité biologique.

Une évaluation à haute résolution, à l’échelle spatiale fine à partir de cartes de végétations et d’écosystèmes devrait être l’étape logique suivante pour délimiter ces zones.

Que penser de tout cela ? Ce qui surprend d’abord c’est l’importance de la surface en « attention à conserver » : 44% de la surface de la planète (64,7 millions de km2) ! Certes une grande partie de ces terres sont situées dans des zones encore intactes (35,1 millions de km2) mais il faut caser les 29,6 millions de km2 restants. En ce qui nous concerne, si l’on s’en tient aux propositions de cette publication, nous sommes encore bien au-dessous des surfaces qu’il faudra protéger. Comment affecter de nouvelles terres à la sauvegarde de la biodiversité sans réduire l’activité économique, ceci ne peut se faire qu’au détriment de la population humaine qui est toujours en croissance ? Il faudra consommer moins (pas uniquement pour se nourrir), et il y aura moins de travail. Ce sera donc un appauvrissement général. On peut atténuer ces perspectives négatives par une éducation à la protection du milieu naturel, par des projets d’artificialisation plus raisonnables qui tiennent compte du monde vivant qui nous entoure.

* James R. Allan et al. Science 3 juin 2022, N°6597, pp. 1094-1106.