La neige marine.

Jeudi 5 Décembre 2024


Vous avez sans doute vu à la télévision, des images sous-marines abyssales qui présentent sur fond noir des flocons blancs qui tombent comme la neige en hiver ; d’où viennent ces flocons, que contiennent-ils ?

Cette « neige marine » se fabrique à la surface des mers par agrégation du plancton qui englobe tous les organismes vivant en suspension dans l’eau : phytoplancton photosynthétique, zooplancton de nature animale se nourrissant de déchets ; on y trouve aussi des bactéries et des virus. C’est tous les constituants vivants ou morts de l’écosystème qui se développe dans les eaux de surface éclairées des océans, qui participent à la constitution de ces flocons. La neige marine  va s’enfoncer dans l’eau et ira se déposer au fond des océans. Elle pourra servir de nourriture aux espèces abyssales mais surtout se déposera définitivement sur le fond marin extrayant ainsi définitivement une partie du carbone superficiel. Cette neige marine joue donc un rôle important dans la régulation du climat, le processus qui s’y réalise est appelé « pompe biologique », il permettrait le stockage de 30% du carbone émis par l’activité humaine. (Notons aussi que les dépôts formés par la sédimentation au cours des temps géologiques d’algues à capsule calcaire ont donné après soulèvement les reliefs karstiques si présents dans notre pays).

La formation d’un flocon de neige marine est un processus complexe incomplètement connu. Une cellule de phytoplancton seule mettrait, du fait de sa faible taille et densité, un temps très long pour atteindre le fond de l’océan ; c’est l’agrégation de plusieurs cellules compactées par le ciment produit par la désintégration bactérienne du zooplancton qui crée ces flocons dont la vitesse d’enfoncement dans la colonne océanique sera fortement accélérée.

Récemment des chercheurs* ont prélevé des colonnes d’eau de mer  à 80m de profondeur et pu observer au niveau microscopique les flocons de neige marine  quelles contenaient et simuler expérimentalement leur descente gravitationnelle.  L’observation microscopique a montré que le flocon est constitué d’un matériel opaque hétérogène biologique comprenant des cellules entières de phytoplancton, des fractions de cellules rigides (frustules de diatomées ou de radiolaires) ou moles, le tout enveloppé dans un mucus. Le mucus de nature polysaccharidique, transparent et donc invisible, forme autour de l’agrégat opaque un halo analogue à une comète avec sa queue.

La présence de ce mucus va ralentir la vitesse de descente du flocon dans la colonne d’eau océanique, il ralentit donc la déposition du carbone au fond de l’océan.

*Rahul Chaiwa et al. Science, 11 octobre 2024, N°6718,pp 166-175

Effets des OGM cultivés sur l'environnement.

 Mardi 5 Novembre 2024


Nous avions déjà abordé cette question en 2009 (dossier sur les OGM : Organismes Génétiquement Modifiés) il était intéressant, 15 ans après, de voir comment les choses ont évolué. Or une étude bibliographique du sujet parue récemment dans la revue Science* traite précisément de cette question, elle nous donne l’occasion d’en faire le point à nouveau.

Voyons d’abord quels sont les OGM en cause et l’importance qu’ils ont pris en culture.

Depuis une trentaine d’années, deux OGM : la tolérance aux herbicides Th (notamment au glyphosate)  et la résistance aux lépidoptères Bt (gène provenant de la bactérie Bacillus thuringiensis) on fait l’objet d’un développement cultural intense sur le soja, le maïs, le coton et le colza. Mais depuis ces premières autorisations, de nombreux pays ont édicté des régulations très strictes sur les OGM de telle sorte que, bien qu’il existe d’autres caractères transformés (notamment des résistances), ils n’ont jamais vu un développement commercial. D’ailleurs le coût de la régulation de ces semences et tellement élevé que seules quatre grandes sociétés grainières se partagent plus de la moitié du marché mondial. En 2019 ces semences OGM ont été utilisées par 29 pays sur 190 millions d’hectares représentant 13% des terres arables. La culture des OGM est concentrée sur 5 pays : USA 38%, Brésil 28%, Argentine 13%, Canada 7%, Inde 6%.

Il est difficile de comparer les effets de l’utilisation en culture des OGM à ceux d’une culture normale non OGM. Les fermiers qui adoptent ces semences génétiquement modifiées diffèrent souvent des autres par la taille de leur exploitation, leur niveau d’instruction, l’accès à l’irrigation et les contraintes de travail ; ceci ne se prête guère à la réalisation d’essais comparatifs avec analyse statistique. Cependant en associant les rares  études rationnelles qui existent aux nombreuses données d’observation on peut déduire plusieurs effets de l’emploi de ces OGM. Nous allons les présenter maintenant.

L’utilisation des OGM qui réduit les prix de revient est-il un facteur de limitation de l’expansion de l’agriculture sur la forêt ? On a observé en effet que, dans plusieurs situations, l’expansion de l’espace agricole avait été limitée, mais l’accroissement des revenus peut aussi inciter à accroître la surface cultivée. C’est ce qui s’est passé au Brésil où leur moindre coût de production a fait étendre leur surface au détriment de la forêt.

Les deux OGM les plus cultivés Th et Bt ont-ils permis de réduire l’utilisation des pesticides ? En ce qui concerne la tolérance aux herbicides à large spectre (notamment au glyphosate) des variétés Th, leur utilisation a réduit la consommation des herbicides spécifiques mais elle a notamment accru l’utilisation du glyphosate. Elle a eu pour autre effet aggravant, l’apparition de mauvaises herbes résistantes à cet herbicide ; les obtenteurs de cet OGM ont été ainsi conduits à créer des OGM résistants à un herbicide plus fort (et donc plus toxique) le Dicamba. La résistance aux lépidoptères des OGM  Bt a induit une réduction appréciable de l’utilisation des insecticides cependant on a constaté une prolifération plus importante d’insectes autres que les lépidoptères et même l’apparition de formes de résistance chez les lépidoptères lorsque l’agriculteur n’avait pas prévu d’aires refuges constituées de plantes non OGM.

Y a-t-il un effet de l’utilisation des OGM en culture sur la santé humaine ? L’effet direct, c’est-à-dire la consommation de ces plantes transformées, est considéré maintenant comme négligeable. L’effet indirect, sur les agriculteurs, suite aux changements de l’utilisation des pesticides induits  par ces OGM, ne l’est pas. Les OGM Bt qui apportent une résistance aux lépidoptères ont réduit significativement l’utilisation des insecticides sur ces cultures et sont donc positifs pour la santé. En ce qui concerne les OGM Th leur utilisation a, selon les uns, déplacé l’usage d’herbicides très toxiques vers des herbicides moins toxiques (le glyphosate), donc c’est un effet positif ; mais selon d’autres cette substance active serait potentiellement cancérigène.

Quelques aspects positifs de l’utilisation des OGM ont été relevés sur les techniques culturales ; l’utilisation intensive du glyphosate sur les cultures Th a favorisé le non labour des sols qui bien que contesté au point de vue des rendements est favorable à la vie souterraine. Toutefois des sols peu envahis par les mauvaises herbes ont permis l’abandon des rotations et entraîné l’uniformisation des cultures dans l’espace et dans le temps.

La biodiversité ne semble pas avoir été affectée sur les espèces non ciblées en ce qui concerne les OGM Bt ; l’absence de rotations favorisée par l’utilisation des OGM Th provoque une réduction, au moins temporaire, de la biodiversité sur ces paysages homogènes.

Enfin l’utilisation des OGM est susceptible de réduire ou d’aggraver les émissions de gaz à effet de serre, par l’expansion ou la réduction des espaces cultivés au détriment des forêts ou à leur avantage, par les modifications des techniques culturales : suppression des labours, réduction des fumures, modifications du machinisme agricole. Cependant si les publications sur le sujet concluent souvent à une réduction des émissions, rien n’en quantifie l’importance.

D’une manière générale une incertitude persiste sur les effets de ces nouvelles cultures quant à leur innocuité ou leur  dangerosité pour l’environnement. Pour chacun de ces OGM on constate des effets positifs et des effets négatifs, il serait souhaitable d’aller plus loin dans ces études pour recueillir des résultats plus précis.

 

*Frederik Noak et al., Science 385 cado 9340, 30 août 2024.

La sélection naturelle.

Samedi 5 Octobre 2024

 

Le darwinisme a mauvaise presse on l’accuse de favoriser les forts et d’éliminer les faibles, d’être aussi à l’origine de déviations comme l’eugénisme. Est-ce bien ce que dit une théorie qui constitue toujours une base fondamentale de la biologie ?

En fait on ne retient trop souvent de la sélection naturelle que ce qui se passe au niveau des espèces apicales des écosystèmes : la prédation. A ce niveau l’espèce prédatrice plus forte, plus rapide gagne son combat sur sa proie dont elle va se nourrir.

En réalité la sélection naturelle est considérablement moins agressive, les individus en naissant possèdent déjà des caractères qui les adaptent plus ou moins bien au milieu dans lequel ils vont vivre, ils doivent seulement trouver leur nourriture et se reproduire  et ceci est vrai pour toutes les espèces du monde vivant. La capacité de se nourrir conduit évidemment aux effets de prédation qui nous paraissent d’une brutalité extrême, mais plus discrètement au détournement de la nourriture par les racines d’une plante au détriment de celles de la plante voisine et a toute concurrence pour l’accès à la nourriture lorsqu’elle est partagée entre plusieurs espèces. La capacité de se reproduire peut entraîner des concurrences entre mâles rarement mortelles, elle est beaucoup plus soumise aux aléas de la recherche du partenaire (surtout si la population est peu importante) et aux possibilités pour les descendances de trouver facilement des refuges et de la nourriture.

Ce que l’on ne retient pas et qui est le plus important c’est que la sélection favorise les caractères qui donnent à l’individu un avantage dans leur environnement. Par exemple dans un environnement aride, sera favorisé l’individu portant un caractère issu d’une nouvelle mutation qui lui permet de se déshydrater moins rapidement. Ceci est vrai pour toutes les composantes physiques ou chimiques du milieu aérien : température, hygrométrie, lumière, etc. ou du milieu sous-marin, dans lesquels la vie est possible et ceci n’a rien à voir avec toute réserve morale que l’on peut se faire sur la théorie.

Les mutations, c’est-à-dire les modifications spontanées ou induites de l’ADN, sont la source de variabilité ; les caractères nouveaux qui en découlent, proches ou lointains de la forme existante, vont être confrontés à l’environnement. Si le caractère apporte un avantage à l’individu chez lequel il est apparu, ce dernier sera favorisé par rapport au reste de la population à laquelle il appartient ; sa « fitness » (nombre de descendants) sera plus grande et le caractère s’installera peu à peu dans le groupe au détriment du précédent à moindre valeur sélective. Les changements évolutifs aboutissent à des lignées modernes mieux adaptées à un environnement changeant.

Prise dans ce sens qui était celui de Darwin d’ailleurs, la sélection naturelle explique toute l’évolution du monde vivant et son infinie diversité.

Peut-on réduire les émissions de gaz à effets de serre de la sidérurgie?

 Lundi 5 Août 2024

 

La sidérurgie produit successivement de la fonte et de l’acier à partir des minerais de fer qui sont essentiellement des oxydes qu’il faut purifier et  réduire. Ce processus est une source de gaz à effets de serre considérable car chacune des opérations de purification et de réduction du minerai est émettrice de ces gaz. Il faut déshydrater le minerai à 1600° en brulant du charbon dans les fours  de grillage ; réduire les oxydes de fer obtenus dans les hauts fourneaux par combustion avec du coke ce qui produit une nouvelle émission de dioxyde de carbone ; faire fondre encore une fois ce fer brut  (fonte blanche ou fonte grise) pour en faire de l’acier ou un alliage avec d’autres métaux.

Selon un spécialiste* de ces questions dont nous résumons ici l’essentiel de son article, les gaz émis pèsent le double de fer obtenu. Etant donné que 2 milliards de tonnes d’acier sont produites chaque année dans le monde entier, cela représente environ 7% des émissions annuelles de gaz à effets de serre. Ce modèle industriel qui n’a pas changé depuis 2000 ans nécessite d’être repensé.

Une startup subventionnée nommée Electra tente de « réinventer cette industrie ».

La première idée est de remplacer le carbone réducteur par de l’hydrogène. Cette technique donne de l’eau et non du dioxyde de carbone de plus elle se ferait à température plus basse : 1100°C. Des boulettes de minerai de fer chauffées sont baignées dans de l’hydrogène, l’oxygène se combine à l’hydrogène pour donner de l’eau et libère du fer pur. Cependant cette technique ne fonctionne qu’avec des minerais très riches en fer, de plus l’hydrogène réducteur utilisé est issu d’électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable qui est très chère.

Des startups subventionnées (dont Electra) tentent l’électrolyse du minerai de fer comme cela se fait pour le minerai d’aluminium (bauxite). Le minerai est dissout dans un bain d’acide et les ions fer sont attirés aux électrodes où ils forment des lingots de fer pur. L’électrolyse peut traiter des minerais impurs et comme elle peut s’arrêter et repartir vite, elle peut utiliser une électricité renouvelable soumise à des fluctuations. Par ce procédé les émissions de gaz à effets de serre ne pèseraient plus que le tiers du fer obtenu. La demande de fer pauvre en carbone rend le procédé rentable et la société teste des fours qui pourraient produire quelques centaines de kilogrammes par an avant de développer l’usine qui pourrait en produire quelques milliers de tonnes.

Enfin des chercheurs du laboratoire national Argone utilisent des microondes pour chauffer l’hydrogène à 600°C jusqu’à ce qu’il forme un plasma ; à cette température l’hydrogène peu déplacer l’oxygène même dans des minerais bruts.

Cependant toutes ces tentatives sont insignifiantes par rapport aux masses de minerai qui devraient être traitées. Le remplacement des techniques actuelles de la sidérurgie ne sont pas pour demain. La récupération du fer ou de l’acier ayant déjà servi se justifie pleinement.

 

* W. Cornwall, Science, 3 Mai 2024, N°6695, pp. 498-499.                                    

Comment les plantes communiquent-elles sous terre ?

 Jeudi 4 Juillet 2024

Le verbe communiquer a plusieurs sens, nous adoptons ici celui de transmettre quelque chose car il est souvent difficile de mettre en évidence, chez les plantes, que les signaux qui sont transmis sont utilisés par le récepteur potentiel. Ce sujet a fait l’objet d’une mise au point* de laquelle nous extrayons les principales idées.

Sous terre la communication peut se faire de deux manières : par des émissions chimiques présentes dans les exsudats racinaires ou par l’intermédiaire de champignons mycorhiziens qui vivent en symbiose sur les racines de certaines espèces mais qui, par leur réseau d’hyphes, peuvent atteindre les racines voisines de la même espèce ou celles d’autres espèces.

Les émissions chimiques racinaires vont être transportées par le substrat du sol d’une racine à l’autre. Si les racines qui se côtoient appartiennent à des plantes de la même espèce, le signal chimique émis par l’une d’entre elles, suite à un stress biotique ou abiotique auquel elle  est soumise, peut entraîner une réponse de défense rapide dans toute la population. S’il s’agit d’espèces différentes, ces émissions vont réguler la compétition qui s’exerce entre elles ou l’aggraver. Les molécules qui sont présentes dans les exsudats racinaires sont des composés organiques (métabolites secondaires le plus souvent) dont on ne sait réellement ni leur persistance dans le sol ni leur étendue de diffusion, mais ils peuvent inhiber la croissance des compétiteurs, activer les systèmes de défense ou favoriser le transfert des éléments nutritifs. Cependant peu de composés chimiques ayant ces propriétés ont été caractérisés, on connait les strigolactones chez le pois, la L DOPA chez la fève, un caroténoïde chez l’arabette.

Les réseaux d’hyphes de champignons mycorhiziens peuvent aussi assurer des jonctions entre les racines de plusieurs plantes ; si cette liaison symbiotique permet à la plante de recevoir des éléments minéraux (azote, phosphore) puisés dans le sol par le champignon, et au champignon de recevoir des molécules énergétiques (sucres) issus de la photosynthèse végétale, elle est aussi un lien de passage d’informations, de plante à plante,  sur la disponibilité nutritive, sur la présence de parasites, ou sur la situation environnementale. On a pu montrer ainsi qu’un plant de fève attaqué par des pucerons induit une réponse défensive chez les plantes de fève voisines, grâce à la transmission d’un signal par les hyphes mycorhiziennes.

L’émission de substances racinaires va influencer la composition de la flore présente sur le sol. Certaines substances émises pouvant être inhibitrices du développement des racines d’autres espèces ou au contraire stimulantes par des apports nutritifs. La flore présente sur un sol n’est que le résultat d’un équilibre précaire car il est continuellement remanié.

L’étude des exsudats racinaires est compliquée ; ils sont présents en faibles quantités, leur prélèvement ne peut se faire qu’en conditions artificielles (croissance des racines sur des milieux artificiels dont la composition est connue) ce qui questionne sur la similarité des substances obtenues à celles qui sont émises en milieu naturel. Leur connaissance est un sujet qui va se développer.

 

* E. Guerrieri et S. Rasmann, Science, 19 avril 2024, N°6693, pp. 272-273.

Les nutriments.

Jeudi 6 Juin 2024


En plus de l’énergie qui sera utilisée pour toute l’activité métabolique des plantes, la photosynthèse leur fournit trois atomes : le carbone, l’hydrogène et l’oxygène, présents dans les sucres. Ces derniers constituent les «briques de la vie » car ils peuvent servir à élaborer des polymères présents dans les parois (celluloses, pectines) ou dans les réserves (amidon, graisses, huiles). Ces trois atomes ne sont pas suffisants pour réaliser un être vivant, ils vont se combiner à l’azote, le phosphore, le soufre et le magnésium, le calcium le potassium et le fer pour donner protéines, acides aminés, pigments et métabolites secondaires. Ces six éléments sont indispensables au développement de la plante, ce sont des nutriments. D’autres comme le bore, le cuivre, le zinc le molybdène sont nécessaires en très faibles quantités ce sont des éléments traces ; leur absence peut induire chez la plante des carences.

Où trouve-t-on ces nutriments dans la plante ?

- L’azote et le phosphore sont constitutifs des acides nucléiques (ADN  et ARN).

- Le Phosphore est un constitutif de l’ADN, de plus il est présent dans les transporteurs d’énergie : Adénosine di et triphosphate (ATP et ADP). -

- Le soufre entre dans la composition de trois acides aminés essentiels (cystéine, cystine et méthionine), c’est donc un constituant structurel des protéines.

- Le magnésium est un composant de la chlorophylle et est impliqué aussi dans le fonctionnement de certaines enzymes.

- Le Calcium est un constituant de la paroi squelettique des cellules végétales.

- Le potassium joue un rôle fondamental dans l’équilibre électrolytique et aqueux de la cellule végétale, il intervient sous forme ionique (PO43-)  dans la régulation de la croissance, dans la synthèse des protéines, l’ouverture des stomates.

Le fer est un élément constitutif des cytochromes transporteur d’électrons dans la respiration.

Ces éléments sont présents dans le sol sous forme de sels peu solubles qui se dissocient partiellement dans l’eau en ions solubles. C’est sous cette forme qu’ils sont absorbés par les racines. L’azote est absorbable sous forme d’ions ammonium NH4+ ou d’ion nitrate NO3-, le phosphore sous forme d’ions phosphate PO43-, le soufre sous forme d’ions sulfate SO42+, le Calcium et le potassium  sous forme d’ions Calcium Ca+ et P+, la disponibilité de ces nutriments dépend de l’acidité, de la température et de la présence d’autres éléments dans l’eau du sol.

 

L’absorption d’un élément par la plante est fonction de sa concentration dans l’eau du sol, si cette concentration est élevée, l’absorption par les racines se fait simplement par diffusion, si elle est faible les racines transportent activement l’élément à travers leur surface racinaire et le concentrent à l’intérieur de l’enveloppe, cette activité est énergie dépendante. En définitive la demande d’un nutriment par la croissance de la plante peut-être supérieure à sa présence dans l’eau du sol ; si cette demande n’est pas satisfaite la croissance ne sera pas optimale. C’est ainsi qu’un sol pauvre produit moins qu’un sol riche.        

Où trouve-t-on les espèces végétales qui nous sont utiles ?

Mardi 7 Mai 2024


Les espèces végétales que nous utilisons sont rarement endémiques, dans les bois ou les landes que nous laissons sans cultures. D’où viennent-elles alors ? Sont-elles plus fréquentes dans les zones où la biodiversité est la plus forte ou au contraire sont-elles présentes dans des zones spécifiques ?

C’est ce que des Chercheurs* ont essayé de découvrir. Pour cela, ils ont puisé leurs informations dans 12 bases de données qui font un relevé des espèces présentes dans différentes zones de la planète mais aussi renseignent sur leur utilisation ; ils ont pu ainsi cataloguer 37687 plantes utilisées par les êtres humains et situer leur position géographique.

D’une manière globale, les auteurs ont observé que les espèces utiles sont en plus forte concentration dans les tropiques et que leur gradient de densité décroit vers les latitudes croissantes. Cette répartition est en concordance avec la variation de la diversité totale des plantes. Bien que plusieurs zones tempérées peuvent en contenir en grande quantité, soit natives (Chine Himalaya), soit introduites (Europe occidentale, Est des Etats Unis). Ils ont observé aussi que dans les zones riches en espèces utiles elles y sont aussi présentes à l’état endémique ; au contraire la concentration à l’état endémique est relativement faible dans les zones tempérées.    

Ce matériel brut a été réparti en 10 catégories d’usages : nourriture humaine (incluant boissons et additifs), nourriture pour les vertébrés (fourrages), nourriture pour les invertébrés (abeilles et les vers à soie), matériaux (bois fibres), combustibles (charbon, alcool), usages sociaux (narcotiques, parfums), poisons (pour vertébrés et invertébrés), médecine (humaine et vétérinaire), usage pour l’environnement (haies brise vents, fleurs), source de gènes. Les auteurs montrent que chacun de ces dix groupes a la même distribution latitudinale : densité forte au niveau des tropiques, décroissance vers les latitudes élevées. La diversité des espèces utilisées en culture est en corrélation avec la richesse totale en plantes mais aussi avec la richesse en plantes utiles, autrement dit dans un milieu naturel riche en plantes diverses les agriculteurs utilisent beaucoup de plantes utiles et  plus encore si le milieu naturel est riche en celles-ci.

Les peuples indigènes qui dépendent beaucoup des espèces sauvages pour leur nourriture, vivent paradoxalement dans des zones qui ne contiennent pas une haute densité d’espèces utiles. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’ils auraient été dépossédés, au cours de l’histoire, de leurs terres d’origine.

Le réseau des zones protégées qui couvre actuellement 17% des surfaces terrestres ne contribue paradoxalement qu’à la conservation d’une faible biodiversité totale ; en outre il ne contient pas davantage d’espèces végétales utiles. Pour les auteurs il sera nécessaire, dans les futures réservations, de tenir compte de leur richesse botanique mais aussi de leur richesse en plantes utiles.

Il faut retenir de cette publication le nombre extrêmement élevés d’espèces utiles aux êtres humains (37687), leur répartition qui est la même que celle de toutes les espèces végétales (il n’y a pas de zones où elles seraient plus nombreuses) enfin leur présence insuffisante dans les zones protégées.

 

*S. Pironon et al. Science 19 janvier 2024, N°6680, pp.293-297.       

Quel peut-être l'effet du réchauffement climatique sur nos forêts humides ?

Vendredi 5 Avril 2024


Le changement climatique va affecter nos forêts humides tempérées ; quelles sont celles qui risquent d’être le plus fortement affectées par un climat plus chaud et plus sec ? Une étude*nous donne quelques clés pour connaître les zones forestières les plus sensibles ; elle tente de faire des prévisions sur leur évolution jusqu’à l’an 2100.

Une question importante, jusqu’ici non tranchée, à laquelle il faut aussi répondre est celle-ci : les forêts qui poussent déjà sur des zones sèches seront-elles plus vulnérables, parce qu’exposées au-delà de leurs limites physiologiques, que les forêts dites naïves installées dans des zones plus humides ?

Pour mesurer la sensibilité des arbres aux fluctuations météorologiques les auteurs se sont appuyés sur les données de la banque Internationale de données sur les cernes des arbres (ITRDB) et celles du service forestier des Etats unis (FIA). A partir de ces données ils ont pu générer un indice de largeur des cernes qui donne une mesure annuelle de la croissance des arbres. Le temps et le climat ont été caractérisés par l’évapotranspiration potentielle et le déficit hydrique climatique relevés localement par ces organismes. L’évapotranspiration potentielle décrit la demande atmosphérique en eau produite par évaporation et transpiration des plantes, cette dernière est fonction de leur disponibilité en énergie. Le déficit hydrique climatique mesure le déficit en eau par rapport à la demande atmosphérique.

La plupart des relevés de l’ITRDB et du FIA montrent :

- Qu’il y a eu une réponse positive à la croissance des arbres lorsqu’il y a eu une plus grande quantité d’eau ou d’énergie disponibles sur le site.

- Les arbres situés sur les zones les plus sèches (déficit hydrique élevé) de l’écart climatique où vit l’espèce ont une croissance moins affectée par la sècheresse que ceux situés dans les zones plus humides. Les forêts naïves sont donc plus sensibles à la sècheresse.

- Les arbres ont aussi montré une hétérogénéité de réponse à une croissance annuelle de l’énergie disponible (augmentation de l’évapotranspiration).

En 2100, avec le réchauffement climatique, les forêts tempérées vont être exposés à des températures plus élevées et à une sècheresse plus forte que de nos jours. En estimant la variation du déficit hydrique et de l’évapotranspiration potentielle à partir des changements climatiques, la croissance des arbres devrait, selon les auteurs, diminuer de 10,4 %. Nos forêts vont subir ainsi une dégradation de leur état sanitaire et une réduction de leur capacité à séquestrer le carbone.

Les projections de changement de l’index de largeur des cernes en 2100, montrent que le réchauffement climatique aura un impact négatif prononcé sur les arbres qui poussent dans les zones humides chaudes alors qu’il sera plus faible dans les marges plus froides et plus sèches de la zone d’adaptation de l’espèce. La réduction de croissance des arbres serait de 17,2% dans le premier cas, et seulement de 11% dans le second.

Ce comportement positif des arbres qui vivent dans les marges plus froides et plus sèches est à attribuer à l’hétérogénéité de l’espèce. Ces individus ont été exposés sur plusieurs générations à des conditions plus sèches et plus froides et ont acquis par sélection naturelle certains caractères de résistance. De ce fait ils pourraient être utiles, en migration assistée, vers des régions plus humides qui devraient, suite au réchauffement climatique, devenir plus sèches.

 

* Robert Heilmayr et al. Science, 8 décembre 2023, N°6675, pp.1171-1177      

Quelques éléments pour comprendre la démographie.

 Mardi 5 Mars 2024

 La démographie est l’étude quantitative de l’évolution des populations humaines, mais ses méthodes peuvent aussi être appliquées à d’autres espèces. C’est une science complexe qui fait appel aux mathématiques supérieures (calcul des probabilités, calcul intégral) d’où le rejet qu’elle suscite à beaucoup d’entre nous. Peut-on, sans être un mathématicien avancé, en tirer la « substantifique moelle » ? Ce sera la tentative de ce billet.

La notion la plus simple à comprendre est celle de la croissance d’une population. Si :

        - P0 est l’effectif de la population au temps T0

          - P1 est l’effectif de la population au temps T1

        - N le nombre de naissances entre  T0 et T1

          - D le nombre (Nb) de décès entre T0 et T1

        - SM le solde migratoire (Nb d’immigrés moins Nb d’émigrés entre T0 et T1)

 On a :                 P1-P0 = N-D +SM

Si T1-T0 = 1 an,  la croissance annuelle de la population française par exemple est facilement calculable puisque l’on peut connaître chaque année, à partir des relevés des états civils : le nombre de naissances N, le nombre de décès D ; et que immigration et émigration SM font aussi l’objet de documents de contrôle. Cette croissance devrait être publiée chaque année par les médias en détaillant le nombre de naissances, de décès, le nombre d’immigrés et d’émigrés ; malheureusement le nombre réel d’immigrés n’est pas connu car une immigration incontrôlée existe et ne peut figurer dans les chiffres.

Mesurer la croissance de la population ne suffit pas ; il faut encore connaître son effectif et sa structure par âge et par sexe ; ceci fait l’objet des recensements. Autrefois les recensements étaient faits périodiquement (tous les 10 ans) sur toute la France par l’INSEE. Depuis 2004 les recensements sont faits par les communes : tous les 5 ans pour les communes de moins de 10 000 habitants, par échantillonnage pour les communes de plus de 10 000 habitants. Il se fait en janvier et février de sorte qu’en fin d’année la commune disposera des données du recensement et de celles de l’état civil.  Le regroupement des données fourni par les communes permet de connaître la population totale de la France au moment du recensement mais aussi d’établir la pyramide d’âges de la population, c’est-à-dire le graphique qui détaille le nombre d’hommes et de femmes pour chaque classe d’âge de la vie ou cohorte : 0,1, 2, etc. (âges compris de 0 à 1 an, de 1 à 2 ans, de 2 à 3 ans, etc.)

Enfin, en combinant les données du recensement de l’année A à celles du nombre de naissances et de décès par classe d’âge relevés à la fin de l’année, on peut calculer pour chaque classe d’âge c et chaque sexe :

- Le taux de mortalité :

MAc = Nb de morts de la classe d’âge c / Nb d’individus au recensement de cette classe

- le taux de survie :

SAc = Nb de survivants de la classe d’âge c / Nb d’individus au recensement de cette classe 

- le taux de fécondité pour le sexe féminin :

             BAf = Nb de naissances de la classe d’âge f de procréation / Nb de femmes de cette classe d’âge.

Les taux SAc et BAf sont intéressants pour les démographes car ils permettent de calculer (dans le cas ou leur variation reste faible au cours du temps) l’évolution de la population masculine et féminine les années qui suivent le recensement.

l’indicateur conjoncturel de fécondité est la somme des taux de fécondité BAf par classe d’âge des femmes en âge de procréer de l’année A (de 15 à 50 ans). Il est égal, en 2024, à 1,8 nettement inférieur au taux 2,1 considéré comme le taux de stabilité d’une population (intuitivement un couple pour être remplacé doit avoir 2 enfants, mais il nait moins de filles (0,976) que de garçons (1,024), pour que toutes les mères en âge de procréer soient remplacées il faut un indicateur conjoncturel de fécondité supérieur à 2 soit 2,1 ; alors la population ne décroitra pas). Dès maintenant la population française diminuerait si ce n’était une compensation due à une espérance de vie très élevée donc un vieillissement de la population et une forte immigration.

La connaissance de la population réelle de notre pays souffre de deux lacunes : la méconnaissance de l’immigration incontrôlée et l’estimation par échantillonnage au recensement des communes de plus de 10 000 habitants.              

En quoi les herbivores s'opposent aux restaurations végétales ?

Lundi 5 Février 2024


La restauration de milieux dégradés ou le monde vivant ne peut plus se développer est quelquefois nécessaire, par exemple en montagne si l’on veut limiter l’érosion. La restauration peut aussi être aussi une volonté écologique de restitution d’un écosystème. Le monde vivant ne pouvant se développer qu’en disposant d’une source d’énergie, on va commencer par restaurer la végétation qui capte par photosynthèse l’énergie solaire et la transforme en énergie chimique (sucres). Cette énergie sera ensuite distribuée par les herbivores à tout l’écosystème.

On considère qu’un milieu peut retrouver sa couverture végétale par propagation naturelle si on supprime les causes de dégradation (déforestation, agriculture, invasion de plantes exotiques). La régénération est dans ce cas naturelle ou passive. On peut aussi semer des graines ou planter des arbres, la régénération est alors active.

La réussite d’une régénération végétale passive ou active nécessite une bonne adéquation des espèces végétales au milieu physique (sol, climat, disponibilité en eau), à l’environnement humain, mais l’expérience montre aussi qu’un facteur déterminant du succès est le contrôle de l’herbivorie (néologisme que nous garderons ici et qui signifie la consommation des végétaux par les herbivores). Des chercheurs* ont analysé des tests expérimentaux conduits dans 64 pays et ayant fait l’objet de 451 publications pour évaluer, sur des parcelles en restauration, l’effet des herbivores lorsqu’ils sont exclus, lorsqu‘on en ajoute, ou que l’on réintroduit des prédateurs. Nous donnons ici leurs principales conclusions.

Bien que les herbivores réduisent l’abondance de la végétation sur des sites naturels (32%) leur action est beaucoup plus importante sur des sites en restauration (52%) ; de ce fait la restauration y est plus lente et incomplète et nécessite souvent un contrôle des herbivores.

Alors que les herbivores augmentent la biodiversité dans les écosystèmes naturels en affaiblissant la compétitivité des espèces dominantes, ils la réduisent dans les sites en restauration. Cela tiendrait au fait que la productivité y étant moindre, les populations de plantes sont plus faibles ce qui facilite leur suppression.

Les écosystèmes dégradés se caractérisent par un plus grand nombre d’herbivores généralistes. Ils réduisent la diversité en supprimant très tôt les espèces de plantes qui se développent successivement.

Le climat (températures et pluviométrie moyennes annuelles) a un rôle modérateur clé sur l’effet des herbivores dans les sites en restauration alors qu’il est peu influent sur les sites non dégradés. Les températures élevées accroissent généralement  l’herbivorie ; la diversité spécifique est aussi affectée dans les sites en restauration lorsque le climat est chaud et sec.

La taille des herbivores joue un rôle important dans les milieux naturels pour le maintien des prairies ; leur exclusion y favorise le développement des arbres. Cet effet est exacerbé dans des sites en régénération. En outre les espèces natives y sont favorisées par rapport aux espèces exotiques.

En définitive la gestion de l’herbivorie doit être prise en compte dès que l’on envisage de régénérer un site dégradé. Il faut exclure ou réduire la présence des herbivores de grande taille en installant des barrières ou en les détournant, utiliser des insecticides contre les insectes herbivores ; ceci est valable pour les sites en restauration de petite taille. Pour les sites très grands il faut réintroduire les prédateurs.

 

*Changlin Xu et al. Science, 3 novembre 2023, N°6670, pp.589-592.