Mardi
5 Novembre 2024
Nous
avions déjà abordé cette question en 2009 (dossier sur les OGM : Organismes Génétiquement Modifiés) il était intéressant, 15 ans après, de voir
comment les choses ont évolué. Or une étude bibliographique du sujet parue
récemment dans la revue Science*
traite précisément de cette question, elle nous donne l’occasion d’en faire le
point à nouveau.
Voyons
d’abord quels sont les OGM en cause et l’importance qu’ils ont pris en culture.
Depuis
une trentaine d’années, deux OGM : la tolérance aux herbicides Th
(notamment au glyphosate) et la
résistance aux lépidoptères Bt (gène provenant de la bactérie Bacillus thuringiensis) on fait l’objet
d’un développement cultural intense sur le soja, le maïs, le coton et le colza.
Mais depuis ces premières autorisations, de nombreux pays ont édicté des
régulations très strictes sur les OGM de telle sorte que, bien qu’il existe
d’autres caractères transformés (notamment des résistances), ils n’ont jamais
vu un développement commercial. D’ailleurs le coût de la régulation de ces
semences et tellement élevé que seules quatre grandes sociétés grainières se
partagent plus de la moitié du marché mondial. En 2019 ces semences OGM ont été
utilisées par 29 pays sur 190 millions d’hectares représentant 13% des terres
arables. La culture des OGM est concentrée sur 5 pays : USA 38%, Brésil
28%, Argentine 13%, Canada 7%, Inde 6%.
Il
est difficile de comparer les effets de l’utilisation en culture des OGM à ceux
d’une culture normale non OGM. Les fermiers qui adoptent ces semences
génétiquement modifiées diffèrent souvent des autres par la taille de leur
exploitation, leur niveau d’instruction, l’accès à l’irrigation et les
contraintes de travail ; ceci ne se prête guère à la réalisation d’essais comparatifs
avec analyse statistique. Cependant en associant les rares études rationnelles qui existent aux
nombreuses données d’observation on peut déduire plusieurs effets de l’emploi
de ces OGM. Nous allons les présenter maintenant.
L’utilisation
des OGM qui réduit les prix de revient est-il un facteur de limitation de
l’expansion de l’agriculture sur la forêt ? On a observé en effet que, dans
plusieurs situations, l’expansion de l’espace agricole avait été limitée, mais
l’accroissement des revenus peut aussi inciter à accroître la surface cultivée.
C’est ce qui s’est passé au Brésil où leur moindre coût de production a fait
étendre leur surface au détriment de la forêt.
Les
deux OGM les plus cultivés Th et Bt ont-ils permis de réduire l’utilisation des
pesticides ? En ce qui concerne la tolérance aux herbicides à large
spectre (notamment au glyphosate) des variétés Th, leur utilisation a réduit la
consommation des herbicides spécifiques mais elle a notamment accru
l’utilisation du glyphosate. Elle a eu pour autre effet aggravant, l’apparition
de mauvaises herbes résistantes à cet herbicide ; les obtenteurs de cet
OGM ont été ainsi conduits à créer des OGM résistants à un herbicide plus fort
(et donc plus toxique) le Dicamba. La résistance aux lépidoptères des OGM Bt a induit une réduction appréciable de
l’utilisation des insecticides cependant on a constaté une prolifération plus
importante d’insectes autres que les lépidoptères et même l’apparition de
formes de résistance chez les lépidoptères lorsque l’agriculteur n’avait pas prévu
d’aires refuges constituées de plantes non OGM.
Y
a-t-il un effet de l’utilisation des OGM en culture sur la santé humaine ?
L’effet direct, c’est-à-dire la consommation de ces plantes transformées, est
considéré maintenant comme négligeable. L’effet indirect, sur les agriculteurs,
suite aux changements de l’utilisation des pesticides induits par ces OGM, ne l’est pas. Les OGM Bt qui
apportent une résistance aux lépidoptères ont réduit significativement
l’utilisation des insecticides sur ces cultures et sont donc positifs pour la
santé. En ce qui concerne les OGM Th leur utilisation a, selon les uns, déplacé
l’usage d’herbicides très toxiques vers des herbicides moins toxiques (le
glyphosate), donc c’est un effet positif ; mais selon d’autres cette
substance active serait potentiellement cancérigène.
Quelques
aspects positifs de l’utilisation des OGM ont été relevés sur les techniques
culturales ; l’utilisation intensive du glyphosate sur les cultures Th a favorisé
le non labour des sols qui bien que contesté au point de vue des rendements est
favorable à la vie souterraine. Toutefois des sols peu envahis par les mauvaises
herbes ont permis l’abandon des rotations et entraîné l’uniformisation des
cultures dans l’espace et dans le temps.
La
biodiversité ne semble pas avoir été affectée sur les espèces non ciblées en ce
qui concerne les OGM Bt ; l’absence de rotations favorisée par
l’utilisation des OGM Th provoque une réduction, au moins temporaire, de la
biodiversité sur ces paysages homogènes.
Enfin
l’utilisation des OGM est susceptible de réduire ou d’aggraver les émissions de
gaz à effet de serre, par l’expansion ou la réduction des espaces cultivés au
détriment des forêts ou à leur avantage, par les modifications des techniques
culturales : suppression des labours, réduction des fumures, modifications du
machinisme agricole. Cependant si les publications sur le sujet concluent
souvent à une réduction des émissions, rien n’en quantifie l’importance.
D’une
manière générale une incertitude persiste sur les effets de ces nouvelles
cultures quant à leur innocuité ou leur
dangerosité pour l’environnement. Pour chacun de ces OGM on constate des
effets positifs et des effets négatifs, il serait souhaitable d’aller plus loin
dans ces études pour recueillir des résultats plus précis.
*Frederik
Noak et al., Science 385 cado 9340, 30
août 2024.