Lundi
5 Novembre 2018
Dans
mon livre : Environnement
l’hypothèque démographique, j’ai bien mis en évidence que l’accroissement de la
population mondiale jouait un rôle important dans les émissions de gaz à effets
de serre et donc contribuait au réchauffement climatique.
Jusqu’ici
personne n’a alerté l’opinion sur ce sujet, mais devant la rudesse du
changement climatique qui se profile, on commence à penser qu’il faudrait
ajouter aussi une politique de contrôle de la croissance de la population
mondiale pour éviter que le palier du réchauffement climatique, lorsqu’il sera
atteint, ne soit trop élevé. Ainsi deux Chercheurs de la célèbre revue Science*,
interpellent l’IPCC (Panel International sur le Changement Climatique) sur la
nécessité qu’il y aurait à inclure une politique familiale dans les
recommandations que ce panel fait aux
différents gouvernements pour le contrôle du réchauffement climatique. En
offrant volontairement des services sur le planning familial ainsi qu’une
éducation améliorée aux femmes et aux jeunes filles, on leur permet de choisir
la taille de leur famille, on ralentit la croissance de la population mondiale
et on améliore aussi les capacités de ces populations à s’adapter aux
conséquences du changement climatique.
Ces
auteurs estiment que l’IPCC ignore à tort l’effet de la croissance de la
population mondiale sur le réchauffement climatique global ; cette
négligence tient à quatre interprétations erronées qui sont rappelées dans
l’article et que nous résumons ci-dessous.
La
croissance de la population ne serait pas un problème !
De
1960 à 2000, grâce aux progrès de la médecine et au maintien d’un taux élevé
des naissances, la population du monde en développement a doublé passant de 3 à
6 milliards d’habitants. Pour tenter de ralentir cet accroissement, des
investissements massifs furent faits sur le planning familial de 1970 à 1980.
Ils furent arrêtés en 1990 croyant que le déclin de la fertilité observé en
Asie et Amérique du Sud allait se produire aussi en Afrique. L’épidémie du SIDA
en pleine expansion alors n’allait-elle pas arrêter la croissance de la
population subsaharienne ? Ces 10 dernières années deux évènements sont
venus troubler cet optimisme ; le taux des naissances est resté très élevé
en Afrique subsaharienne et n’a pas baissé comme prévu en Asie et en Amérique
du Sud ; la mortalité par le SIDA a heureusement chuté grâce à la
trithérapie. De ce fait les projections des Nations Unies pour 2100 ont été
revues à la hausse et pourrait atteindre 11,2 milliards d’habitants.
Les
politiques familiales ne sont pas efficaces !
32
millions de grossesses non souhaitées se produisent chaque année dans le monde
(28 millions dans les pays en voie de développement). Les femmes qui souhaiteraient
éviter ces grossesses n’ont pas accès aux services d’un planning familial ou
n’ont pas les moyens financiers d’acheter les contraceptifs. Des pressions psychologiques
peuvent aussi contribuer à cette situation (désapprobation du partenaire, refus
de violer les normes sociales etc…). Les plannings familiaux volontaires
réduisent ces oppositions.
Des
programmes de haute qualité peuvent avoir de larges impacts. En améliorant la
santé et le bien être des femmes, des familles et des communautés, la réduction
de la fertilité élimine la pauvreté et la pression sur l’environnement.
La
croissance de la population n’a pas d’impact sur le climat !
Si
le ralentissement de la croissance de la population mondiale n’est pas le plus
important moyen pour réduire rapidement les futures émissions, il pourrait réduire
celles-ci de plus de 40% sur le long terme. Le ralentissement de la croissance
de la population avec le changement de la structure de la pyramide des âges,
peut avoir des effets économiques positifs qui peuvent accroître les émissions,
mais cet accroissement est largement compensé par leur ralentissement consécutif
à la diminution de croissance de la population. Dans les régions où couramment les émissions par tête d’individus sont
faibles, il va y avoir dans le futur une accélération de l’utilisation de
l’énergie ; si elle est associée à une croissance non ralentie de la
population cela va produire une augmentation considérable des émissions, si le
ralentissement de la croissance de la population intervient cette augmentation
ne se produira pas.
La
politique familiale est trop controversée pour réussir !
Le
planning familial fait l’objet de nombreuses critiques qui proviennent
essentiellement de groupes conservateurs sociaux ou religieux.
La
contraception encouragerait les échanges de partenaires et affaibliraient la
famille. Inciter les femmes à utiliser un moyen de contraception est une
atteinte à leur liberté surtout s’il y a coercition (comme cela s’est fait en Chine
lorsque l’on a imposé un enfant par couple) ; Mais, d’un autre côté, la
coercition existe si la femme n’a aucun moyen de limiter ses grossesses parce
que les choix sociaux l’imposent ou qu’elle ne peut accéder aux services du
planning familial.
On
veut limiter les naissances dans les pays en voie de développement alors que
les émissions de gaz à effets de serre sont excessives dans les pays
développés. Ne fait-on pas payer aux pays pauvres un problème créé par les pays
riches ? Ce fait est réel mais la croissance des populations des pays
pauvres va impacter aussi le climat et en dernier lieu nous serons tous
affectés. La limitation des naissances est un moyen d’agir sur le climat il
serait une erreur de se priver de ce levier qui peut contribuer aussi à améliorer
le bien-être des femmes.
En
conclusion, pour ces auteurs la croissance rapide de la population est une clé
conductrice des émissions et un déterminant de la vulnérabilité aux futurs impacts
du réchauffement. Elle doit être considérée comme un levier politique et l’IPCC
doit inclure dans ses recommandations une politique de la population.
Comment
ne pas adhérer à cet appel, comment ne pas penser que l’IPCC aurait dû depuis
longtemps inclure dans ses recommandations une mise en garde sur la croissance
incontrôlée de la population mondiale ! Notre bien-être est lié à ce que
sera le palier futur atteint par cette croissance ; notre avenir même, en tant
qu’espèce biologique, en dépend.
*John
Bongaarts et Brian C. O’Neill, Science,
17 août 2018, N°6403, pp. 650-652
Les questions environnementales vous intéressent-elles ? Vous pouvez enrichir vos connaissances et acquérir une vision globale de ces problèmes en lisant mon dernier livre : « Environnement, l’Hypothèque Démographique ».
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