Dimanche 5 Juin 2016
Selon Edward O. Wilson* : « Notre nature sanglante
est bien enracinée parce que les contraintes intergroupes furent une force
directrice qui fit ce que nous sommes ».
Notre comportement guerrier est très ancien ; déjà au
paléolithique supérieur (-40 000 ans), on trouve dans les sites qui ont
servi de tombe, des restes humains qui portent les marques d’une mort violente
et même dans quelques cas des enterrements en masse de clans entiers mais il
est difficile de faire la part entre homicides, morts sacrificielles ou guerres.
Au début du néolithique (-8000ans) les outils que l’on découvre dans les tombes
comportent des instruments utilisés pour se battre (haches, arcs et flèches,
lances). A l’âge du bronze (-3500 ans), les civilisations méditerranéennes ont
été continuellement en guerre et le poème épique de l’Iliade montre combien les
exploits guerriers étaient prisés à cette époque.
Des recherches en
archéologie** ont mis à jour récemment des fosses d’inhumation de
groupes d’individus massacrés à la suite
d’une confrontation entre deux armées il y a 3200 ans environ. Ce choc
s’est produit sur les rives de la rivière Tollense (120 km au nord de Berlin),
des milliers de combattants et de cavaliers s’y sont affrontés à l’aide d’armes fabriquées avec du bois, du silex et
du bronze. Les fouilles ont mis à jour des milliers d’ossements humains (et
notamment des crânes humains éclatés ou percés par une pointe de flèche) mêlés
à ceux de chevaux. Un tel conflit était inconnu à l’âge du bronze en Europe du
nord, Tollense témoigne à la fois d’une forte organisation et d’une violence
extrême à grande échelle ; ces découvertes généralisent au nord de
l’Europe ce qui était fréquent dans les civilisations du pourtour
méditerranéen.
Pour E.O. Wilson la question qui se pose est la
suivante : dans la dynamique de l’évolution génétique humaine, quand la
sélection au niveau du groupe qui favorise l’altruisme, le don de soi, et
l’agressivité, a-t-elle supplanté la sélection au niveau de l’individu qui
induit un comportement égoïste, plutôt défensif, tourné vers son territoire et les siens ? Selon des
modèles mathématiques dit-il « La sélection au niveau du groupe prévaut
(sur celle au niveau de l’individu) dès lors que le niveau relatif d’extinction
ou de diminution des groupes, sans gènes d’altruisme, est très élevé ».
Pour un groupe d’individu en croissance qui vit de la
chasse et de la cueillette, le facteur limitant est la nourriture qu’il va se
procurer grâce à l’expansion territoriale. Les conflits de territoires ont
permis aux groupes chez lesquels la majorité des individus acceptaient de se
sacrifier, d’éliminer les groupes moins cohérents et ainsi les gènes
d’altruisme se sont peu à peu répandus. Cette sélection des comportements
altruistes est donc très ancienne et a commencé bien avant le néolithique.
Nous avons ainsi un comportement guerrier qui est inscrit
dans notre génome ; la culture « moderne » contribuera-t-elle à
sélectionner un être humain moins agressif ?
*Edward O. Wilson, The social conquest of earth, pp.62-76,
2012
**Andrew Curry, Science,
25 mars 2016, N°6280, pp.1384-1389.
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