L'Allemagne et le charbon

Mardi 5 Avril 2016

Il ne s’agit pas ici d’ouvrir une polémique mais de faire connaître ce qu’est en réalité la situation actuelle de l’Allemagne concernant ses sources énergétiques. L’Allemagne peut-elle devenir un pays aux énergies propres  et limiter ses émissions de gaz à effets de serre entre 80 à 95% dès 2050 ? Justement, un article de la revue américaine Science*  présente les difficultés auxquelles doit faire face ce pays pour atteindre ces objectifs. Sont-ils réellement pertinents ?

L’Allemagne, contrairement à ce que l’on pourrait croire, produit encore de l’énergie nucléaire ; il lui reste 7 centrales nucléaires en activité qui doivent être fermées au plus tard en 2022. Elle a investi massivement en énergies renouvelables (éolienne, solaire et autres sources) de sorte que celles-ci représentent 57% de la fourniture électrique et contribuent pour un tiers environ aux besoins énergétiques totaux actuels. Mais le charbon reste une source majeure d’énergie. En 2015, les centrales au charbon ont produit 43% de l’électricité soit 7% de moins qu’en 2000 ; le charbon reste encore la source majeure d’émission de carbone de ce pays qui est le premier émetteur de CO2 en Europe avec 800 millions de tonnes émises en 2014.

L’Allemagne peut-elle stopper les 40 centrales alimentées au charbon? L’urgence serait d’arrêter celles qui brûlent le lignite (elles représentent un quart de la production Allemande). Ce charbon a une efficacité énergétique faible, il produit un quart de CO2 de plus que l’anthracite mais les réserves allemandes de lignite sont énormes et leur extraction facile permet d’obtenir des prix de revient de l’électricité très bas.

Un débat s’est ainsi installé entre ceux qui voudraient sortir très vite de l’utilisation du charbon, le gouvernement et le « lobby » des producteurs de lignite. Dans un rapport récent, un groupe de pression (Agora Energiewende) demande l’arrêt de la construction de centrales modernes alimentées par les mines de lignite qui devaient remplacer les vieilles centrales ; la réduction de 3 gigawatt par an à partir de 2018 de l’énergie  obtenue à partir du charbon ce qui équivaut à la fermeture de trois à six grosses centrales par an. Selon le rapport, l’arrêt de la production des  centrales fonctionnant au lignite  n’entraînerait qu’une augmentation du prix de l’électricité de 0,03 à 0,05 € par kilowatt heure. Agora Energiewende propose qu’une table ronde réunissant : l’état, les producteurs d’énergie et les environnementalistes, soit organisée pour définir les étapes de sortie du charbon en commençant fin 2016.

Le ministre de l’énergie est opposé à une sortie rapide du charbon qui entraînerait la suppression de 60 000 emplois. D’autres critiques font valoir qu’il existe un marché européen des émissions de gaz à effets de serre et que dans ce marché l’Allemagne peut acheter des parts d’émission suffisamment pour équilibrer ses excès ; d’ailleurs si l’Allemagne arrêtait ses émissions d’autres pays européens pourraient accroître les leurs ! Enfin une sortie trop rapide du charbon pourrait rompre les marchés de l’électricité.

L’Allemagne premier émetteur de gaz à effets de serre Européen n’est pas encore prête à se convertir au tout renouvelable.


*C. Schrader, Science, 29 janvier 2016, N°6272, pp.430-431                 



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