Effets de la destruction des espèces apicales par l'homme


Vendredi 23 septembre 2011

Dans le précédent billet, j’avais résumé une expérience dans laquelle on avait ajouté des prédateurs au sommet d’une chaîne alimentaire aquatique afin de voir ce qui en résulterait sur tous les autres niveaux de la chaîne. C’est cependant la situation inverse qui est la plus fréquente, l’homme a détruit ou continue de détruire les animaux de grande taille qui sont le plus souvent les prédateurs de sommet de chaînes alimentaires. Quelles sont les répercutions de la disparition de ces espèces apicales sur le reste de la chaîne alimentaire ? Une revue bibliographique a été faite sur ce sujet dans Science du mois de juillet dernier*.

La théorie écologique souligne que les modifications les plus importantes des écosystèmes sont provoquées par les changements affectant l’abondance et la distribution des espèces apicales. Ceci tient à la propagation en cascade (cascade trophique) des impacts consommateurs-proies le long du réseau alimentaire. La perte des espèces apicales réduit la longueur de la chaîne alimentaire altérant tous les autres chaînons qui la composent.

La destruction de nombreuses espèces apicales ayant commencée il y a déjà plusieurs décades, il est difficile d’avoir une idée exacte des modifications du milieu naturel qui en a résulté ; par ailleurs le processus modifiant l’équilibre initial est lent et donc difficile à apprécier. On a cependant relevé plusieurs effets attribuables à la disparition de ces espèces dont les principaux sont les suivants :


  • Liaison entre la fréquence des incendies et l’herbivorie. 
En Afrique de l’Ouest par exemple, l’introduction vers 1800 d’un parasite qui a décimé gnous et buffles a induit une diminution de l’herbivorie. L’augmentation de la biomasse des herbages qui en a résulté a alimenté les incendies en période sèche.
  • Maladies. 
Il existe des liens entre l’intensité de prédation et l’incidence des maladies. Ainsi la destruction des lions et léopards en Afrique a permis le développement des populations de babouins qui en contact plus fréquent avec les populations humaines leur ont transmis leur parasites intestinaux.
  • Influences physiques et chimiques. 
Par exemple, la présence ou l’absence de poissons prédateurs dans les lacs va modifier la densité du phytoplancton qui à son tour affecte la production primaire due à la photosynthèse. De ce fait le niveau d’absorption du CO2 va varier de telle sorte que le lac sera source de CO2 quand les poissons prédateurs sont présents, ou puits de CO2 quand ils sont absents.
  • Effets sur les sols. 
Les herbivores ongulés sont susceptibles de compacter les sols et de les modifier par leurs fèces et leur urine. La grande prairie Américaine a sans doute vu sa composition floristique se modifier avec la disparition presque complète des buffles chassés par l’homme.
  • Effets sur l’eau. 
La présence de loups protège les arbres et buissons du bord des cours d’eau d’un surpâturage par les herbivores de grande taille ce qui favorise l’ombrage et le rafraichissement du courant, la réduction de l’érosion des berges et la création d’abris pour les poissons.
  • Espèces invasives. 
N’ayant pas de prédateurs dans le nouveau territoire qu’elles viennent de coloniser, leur expansion est explosive. Nous avons plusieurs cas en France d’invasions d’espèces venues d’autres continents dont il est difficile de venir à bout : frelon asiatique, écrevisse américaine, ragondin. Il faut aussi rappeler le développement incontrôlé d’espèces proies dont l’homme a éliminé le prédateur : chevreuils, sangliers etc. Elles rendent indispensable la pratique de la chasse !
  • Biodiversité.
La disparition d’un prédateur apical va entièrement modifier la biodiversité de l’espace dans lequel il vit. La destruction par exemple des loups permet l’expansion de leurs proies : les herbivores ; ces derniers vont accroître leur pression d’herbivorie sur les arbres et les buissons. Il en résulte peu à peu une évolution du paysage vers la prairie.

La destruction par l’homme de la plupart des espèces apicales de grande taille, a produit un remaniement considérable des biomes de notre planète. Leur état actuel ne donne aucune idée de ce qu’ils pouvaient être antérieurement.

*J.A. Estes et al. Science15 juillet 2011 pp 301-306



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