Dimanche 5 Mars 2023
La ramification racinaire n’est pas un dispositif physiologique automatique, il est fonction de l’état hydraté ou non du sol traversé par la racine. Si le sol est imbibé d’eau il y aura ramification s’il est sec il n’y en aura pas. Où se passe l’ensemble du processus de ramification ? Quel est-il ? Comment a-t-il été étudié ? En simplifiant, nous allons en dévoiler les principales caractéristiques.
Les chercheurs* qui ont étudié ce sujet ont utilisé un dispositif astucieux qu’ils appellent « zéro ramification ». Ils font traverser les pointes racinaires en croissance issues de la germination de graines de tomate à travers une couche hydratée (solution nutritive solidifiée par de l’agar) inductrice de la ramification (zone 3 qui contiendra les ramifications anciennes) ; puis une zone vide inhibitrice dite « zéro ramification » (zone 2) ; enfin, plus bas, une couche hydratée à nouveau inductrice mais où commenceront à se faire de nouvelles ramifications. Le dispositif est réalisé dans des tubes à essais en verre de manière à pouvoir suivre le trajet des racines. Avec ce dispositif il va être possible d’observer les processus biochimiques qui se produisent lorsque la pointe racinaire traverse une zone sans eau (zone 2 vide).
Y a-t-il une phytohormone qui serait en jeux ? L’acide abscissique hormone de la chute des feuilles et de la dormance pourrait intervenir. En effet des mutants d’Arabidopsis ne synthétisant pas l’acide abscissique, fabriquent des ramifications dans la zone vide du dispositif zéro ramification. Cette phytohormone marquée par un bio marqueur fluorescent va être suivie dans les différents tissus de la pointe racinaire. Autre phytohormone : l’auxine, qui est à l’origine de l’initiation des nouveaux organes chez les plantes va être suivie par le même procédé.
Lorsque la pointe racinaire traverse la zone 2 vide, il y a inversement du flux de l’eau. Ce flux, qui allait de l’extérieur vers l’intérieur (la racine par voie osmotique pompait l’eau en zone 3) va changer de sens, il ira de l’intérieur vers l’extérieur car la pointe racinaire privée d’eau se dessècherait ; elle fait donc appel à l’eau pompée qui descend par les vaisseaux du phloème et irrigue à partir du centre de la pointe racinaire (la stèle) les cellules périphériques. Ce changement de trajet du flux hydrique qui se fait en 8 heures, emmène avec lui de l’acide abscissique. En effet, si l’on quantifie les changements temporels de cette phyto auxine, on constate que sa teneur s’accroît dans les tissus épidermiques 12 heures après le stimulus zéro ramification.
Que fait l’acide abscissique dans ces tissus, il induit la fermeture réversible des plasmodesmes, pores présents à travers la paroi cellulaire squelettique par lesquels l’eau entre dans la cellule. Son arrivée accroît les dépôts de callose qui forment un anneau de chaque côté du plasmodesme. La fermeture des plasmodesmes a un autre effet, elle s’oppose à la migration, de l’épiderme vers le phloème, de l’auxine qui induit l’initiation des racines latérales. L’arrivée en zone 1 hydratée de la pointe racinaire principale va rétablir le flux hydrique allant de l’extérieur vers l’intérieur ce qui entraîne donc : baisse de la teneur en acide abscissique des tissus périphériques, ouverture des plasmodesmes, réalimentation du phloème en auxine et finalement reprise de la ramification racinaire. En définitive le processus de ramification racinaire est dû au déplacement dans le circuit d’eau de la pointe racinaire de deux phytohormones.
Cette démonstration expérimentale est remarquable, elle éclaircit un fonctionnement physiologique qui jusqu’ici nous échappait entièrement.
*Poonam
Mhera et al., Science, 18 novembre
2022, N°6621, pp. 762-768.
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