La notion de race en biologie

Dimanche 5 Décembre 2021


Le monde biologique est constitué d’espèces (exemple : l’espèce abricotier, l’espèce chien) qui se partagent ou se disputent l’énergie et les nutriments disponibles à la surface de notre planète. Leur nombre est  extraordinairement grand, leur diversité surprenante. Une espèce est un groupe de populations qui s’entre croisent naturellement, mais ces populations sont isolées de celles d’une autre espèce par une impossibilité de reproduction. Une espèce a en fait une cohésion génétique historiquement acquise par l’évolution et partagée par tous ses membres.

Comment se forment les espèces ? On doit à Ernst Mayr* d’avoir établi que l’une des voies les plus fréquentes de la spéciation est l’isolement géographique : « une nouvelle espèce se développe quand une population de cette espèce, isolée géographiquement des autres populations de l’espèce parentale, acquiert durant cette période d’isolation des caractères qui garantissent son isolation reproductive après que les barrières externes se soient rompues ».

Supposons qu’un groupe d’individus appartenant à une espèce se déplace et qu’il s’éloigne géographiquement de la population d’origine au point qu’il n’y ait plus d’échanges génétiques entre ce groupe et la population d’origine. Que va-t-il se passer pour ce groupe isolé ? Soit son potentiel génétique, trop petit, va s’amenuiser du fait de l’absence d’échanges avec les individus de l’espèce source et les effets de la consanguinité, le groupe va alors disparaître ; soit son potentiel génétique est assez grand alors  le groupe va se maintenir et se développer. Il va aussi évoluer. Les nouvelles mutations qui apparaîtront chez certains individus de l’isolat seront soumises à la sélection naturelle du milieu géographique nouveau et peu à peu cet isolat va diverger génétiquement et phénotypiquement de l’espèce source. Quand il aura acquis des caractères qui garantissent l’isolation reproductive, si les barrières géographiques disparaissent, alors il n’y aura plus d’échanges génétiques possibles entre l’espèce source et ce qu’est devenu l’isolat, ce dernier constituera une nouvelle espèce.

La formation d’une nouvelle espèce étant un processus très lent, il n’est pas possible de suivre ce phénomène de spéciation géographique au cours d’une vie de chercheur, mais on peut en reconstruire des séries continues en ordonnant des stades fixés dans une séquence chronologique correcte. Ainsi une population isolée lorsqu’elle présente des individus ayant des caractères différents de l’espèce source est devenue une race géographique, si la divergence s’accroît on aura une sous espèce, enfin quand il n’y a plus possibilité de croisements avec l’espèce source du fait de l’apparition d’une barrière génétique provenant de mutations, l’isolat est une nouvelle espèce. Tous ces stades ont été décrits.

La race géographique traduit donc les premiers stades d’adaptation au nouveau milieu de la population qui s’est séparée et isolé géographiquement de l’espèce source. Elle est le résultat d’une sélection naturelle locale qui agit sur les mutations nouvelles apparues dans cette population.

Et l’espèce humaine moderne Homo sapiens, qu’elle est sa place dans tout cela ? L’espèce humaine est aussi issue de l’évolution ; elle est apparue en Afrique il y a 200 000 ans. Elle a semble-t-il échoué dans une première tentative d’expansion vers le proche orient il y a 120 000 ans. Puis, il y a 60 000 ans, dans une 2ème tentative, elle a migré vers l’Asie occidentale et l’Australie. Enfin elle a occupé l’Europe à partir de 40 000 ans ; il y a 26 000 ans Homo sapiens était seule en Europe (voir mon billet Out of Africa). Les groupes d’humains qui ont effectué ces périples se sont isolés peu à peu de la population source d’Afrique tant que les moyens de déplacement étaient réduits à la marche. Ces isolats ont commencé à évoluer sous la pression sélective des nouveaux milieux dans lesquels ils s’étaient installés. Ainsi sont apparues des races géographiques que nous connaissons surtout par leur couleur de peau (voir mon billet la couleur de notre peau) qui est le caractère le plus distinctif qu’elles offrent à la vue, mais en fait une adaptation au rayonnement solaire. D’autres caractères, que nous ne voyons pas, ont été modifiés par la sélection naturelle comme la résistance au chaud ou au froid (un esquimau est plus résistant au froid qu’un africain et inversement un africain est plus résistant à la chaleur qu’un esquimau), la résistance à certains parasites, à certaines maladies etc.  Ces races géographiques auraient pu évoluer vers de nouvelles espèces si l’isolement s’était maintenu. C’est probablement à la Renaissance que les conditions d’isolement ont changé profondément. L’accroissement de la  sécurité de navigation à rompu complètement l’isolation des continents, les échanges génétiques ont repris entre les races géographiques qui s’étaient constituées et l’espèce humaine a pu retrouver sa globalité génétique. Mais il reste encore les traces de cette évolution pluri spécifique.

 Notons que la biologie n’émet  pas des jugements de valeur : une race n’est pas supérieure à une autre ; elle est mieux adaptée au milieu dans lequel  elle vit que ne l’est une race vivant dans un autre milieu.

*Ernst Mayr.  Population Species and evolution, The Belknap press of Harvard University, Cambridge Massachussets U.S.A. 1963




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