Nous
avons vu dans le billet précédent que l’utilisation du bois d’une forêt comme
combustible était neutre vis-à-vis de l’effet de serre dans la mesure où la
forêt était replantée après son exploitation ; en effet au cours de leur
croissance les jeunes arbres allaient réutiliser du CO2 pour
fabriquer par photosynthèse leurs sucres. Cette situation a conduit des
sociétés productrices d’électricité à faire du bois un nouveau combustible pour
leurs centrales thermiques afin d’éviter des pénalisations en tant qu’émettrices de gaz à effets de serre.
Plusieurs pays du nord de l’Europe comme l’Angleterre, la Belgique, la Hollande
et le Danemark ont construit des centrales brulant du bois et converti des
centrales à charbon en centrales à bois, ils se prévalent ainsi d’un recyclage
du carbone et non d’une aggravation de l’effet de serre.
D’où
vient le bois ? Essentiellement des Etats Unis et plus précisément des
forêts de Caroline du Nord et des Etats américains du sud-est qui ont
d’immenses forêts de chênes et de pins à croissance rapide. Lors d’une coupe, les
grosses branches et les petits arbres non utilisables comme bois d’œuvre sont
transportés dans des usines spécialisées où ils sont broyés et transformés en granulés
qui seront vendus comme combustible. Les exportations vers l’Europe étaient
encore insignifiantes en 2005, elles ont atteint en 2016 : 6,5 millions de
tonnes ce qui commence à provoquer de nombreux débats entre partisans et
adversaires de cette nouvelle activité économique qui accélère les coupes
forestières et risque, au moins dans le court terme, d’affecter la forêt
américaine.
Cette
stratégie, pour atténuer les émissions de CO2, est-elle
satisfaisante ? Cette question est
posée dans un article* de la revue américaine Science et les différents points de vue présentés n’en donnent pas une
réponse évidente.
Examinons
d’abord l’aspect économique ; il dépend
essentiellement du comportement humain. L’utilisation des granulés de
bois comme combustible donne aux forestiers une ressource supplémentaire car ils sont fabriqués avec des restes d’exploitation
qui jusqu’ici étaient abandonnés. Avec
la demande accrue en granulés de bois, les propriétaires forestiers ne seront-ils
pas encouragés à replanter des arbres là
où des coupes ont été faites et peut-être même à convertir en forêt là où existaient cultures ou pâturages. A
l’opposé, on ne peut pas exclure non plus, la conversion des espaces libérés
par l’abattage des arbres en terres agricoles ou en terrains à bâtir !
Voyons
maintenant l’aspect écologique ; sur un cycle biologique c’est-à-dire
depuis la coupe des arbres jusqu’à leur remplacement par replantation et croissance
jusqu’à possibilité d’une nouvelle coupe,
la réduction des émissions de gaz à effets de serre, par rapport à
l’utilisation du charbon, serait de 74 à 85%. Cependant si l’on se mettait soudainement
à n’utiliser que du bois, pour remplacer le charbon dans les centrales
thermiques, en pensant que les jeunes replantations réabsorberaient plus tard le
CO2 émis, cela pourrait causer, les premières années suivant
l’exploitation, des dommages irréversibles comme la fonte des glaces car il n’y aurait plus assez de forêt adulte
pour reprendre le carbone émis . Un autre aspect néfaste du point de vue des émissions
de gaz à effet de serre concerne l’activité microbienne du sol dans la zone
d’abattage des arbres. Le passage des machines entraîne une aération de la
litière qui s’est formée à leur pied provoquant une activité accrue des
bactéries aérobies, il en résulte une dégradation rapide de la matière
organique et une émission importante de CO2 due à la respiration
bactérienne. Plus grave encore est ce que la disparition de la forêt entraîne
dans l’immédiat ; l’arbre est un élément majeur de l’écosystème forestier,
il sert d’abri à de nombreuses espèces : végétales de sous-bois, et animales
(insectes, oiseaux, mammifères etc.). Il
contribue aussi de façon majeure à leur nourriture. L’abattage des arbres va provoquer
un cataclysme pour ces espèces dépendantes pouvant entraîner leur mort sinon
leur fuite vers d’autres lieux dont l’équilibre écologique sera bouleversé.
L’utilisation
brutale de la forêt comme source d’énergie propre doit être rejetée. Si
l’utilisation des déchets de coupes pour fabriquer des granulés de bois
destinés au chauffage ou à l’alimentation
des centrales thermiques est souhaitable, la demande en granulés ne doit
pas être un argument pour accélérer l’exploitation des forêts.
*W.
Cornwall, Science, 6 janvier 2017, N°
6320, pp.18-20.
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