Jeudi 4 juillet 2013
Il faut relire mes deux billets du 29 juin 2009, et du 10 août 2009 : (les biocarburants soutenables), pour se rendre compte que tout projet a ses côtés positifs et ses cotés négatifs. Ces deux billets critiquent l’un et l’autre l’utilisation des surplus céréaliers pour fabriquer de l’alcool (éthanol) qui sera utilisé comme additif aux carburants ; mais si l’un (celui du 10 août) pense que l’utilisation de végétaux lignifiées (résidus de cultures, résidus d’opérations forestières, cultures dérobées, déchets industriels) est seul soutenable, l’autre estime que le coût de la transformation de ces déchets en alcool est trop coûteuse et qu’il vaut mieux, dans un but d’efficacité énergétique, les brûler pour obtenir directement de l’électricité qui sera utilisée pour recharger les batteries des voitures électriques.
Des industriels* ont cependant préféré le court terme car la mise au point de voitures électriques capables de se substituer entièrement aux voitures thermiques actuelles ne peut être encore envisagé dans l’immédiat, ils se sont donc attaqués à la fabrication d’alcool dit cellulosique à partir des ligno-celluloses du bois et les progrès technologiques sont tels que le coût d’obtention de cet alcool serait maintenant très voisin de celui obtenu par fermentation de céréales.
Rappelons que la cellule végétale est entourée d’une paroi dite squelettique qui rigidifie la cellule, l’imperméabilise et la protège des attaques parasitaires. Cette paroi est constituée de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. La cellulose est un polymère du D glucose, sucre qui par fermentation peut donner de l’alcool, l’hémicellulose est un hétéro polymère qui contient aussi du glucose mais surtout des pentoses, la lignine est un polymère de mono-lignols indésirables car non fermentescibles. Pour accéder au glucose fermentescible, il faut éliminer la lignine et rompre les polymères des celluloses et hémicelluloses pour libérer le glucose. La technique d’obtention d’alcool à partir des ligno-celluloses du bois comprend les étapes suivantes : on broie le matériel végétal (essentiellement des déchets d’exploitation) puis on le traite par des acides pour éliminer la lignine, on ajoute ensuite un cocktail enzymatique qui rompt les chaines glucidiques, enfin on ajouter à ce mélange des levures capables de transformer le glucose libéré en alcool.
Jusqu’ici la mise au point de la technique a été faite dans des unités pilotes, il n’y a pas eu de mise sur le marché d’alcool cellulosique. Maintenant que la technique paraît maîtrisée, des sociétés américaines notamment, construisent des unités de production qui devraient alimenter le marché américain ; mais alors que ce nouveau biocarburant pourrait être disponible, son horizon commercial s’obscurcit car son retard de mise au point a laissé vide la place qui lui était destinée. Pour les agriculteurs américains l’affectation d’une partie de leur récolte de maïs à la fabrication d’alcool leur permet le maintien d’un cours élevé de cette céréale et donc accroît leur revenu ; ils seraient même en mesure de fournir le contingent d’alcool supplémentaire celui pour lequel une part des subventions était destinée à l’alcool cellulosique. Les compagnies pétrolières américaines qui fabriquent déjà des carburants mixtes à 5 et 10 % d’alcool et sont subventionnées pour cela, craignent de ne pouvoir utiliser les nouvelles quantités d’alcool cellulosique qui vont arriver rapidement sur le marché, elles rappellent qu’un carburant à 15% d’alcool est néfaste aux moteurs (l’éthanol est un puissant réducteur). Enfin les constructeurs automobiles ne sont prêts à construire les moteurs appropriés que si le réseau de pompes distribuant du carburant à 15% d’alcool est suffisamment dense. Il y a donc d’importantes oppositions à l’utilisation de ce bioéthanol qui paradoxalement est obtenu à partir d’une matière première non consommable et n’accroît pas, non plus, les émissions de gaz à effet de serre.
*Robert F. Service, Science, 22 mars 2013, N°6126, pp. 1374-1379.
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