La domestication de l'âne.

Lundi 5 Décembre 2022


L’âne (Equus asinus) animal domestique de trait et de portage a rendu d’éminents services dans nos pays avant l’invention des machines et continue à être utilisé dans les régions semi arides grâce à ses qualités d’endurance et de rusticité. S’il est devenu pour nous un animal de loisirs, son histoire nous intéresse parce qu’elle éclaire notre marche vers un accroissement de nos disponibilités énergétiques et une substitution de nos efforts par ceux d’une espèce animale.

Quand et où s’est faite la domestication de l’âne ? Un groupe de chercheur*, dans lequel figurent en bonne place des chercheurs français, s’est attaché à répondre à ces deux questions en utilisant des données archéologiques et des données génomiques par séquençage de l’ADN obtenu à partir de sources asiniennes diverses : 207 ânes modernes originaires de pays où cette espèce a été longtemps utilisée ; 31 ânes anciens provenant de restes trouvés dans des sites archéologiques (dans ce cas l’ADN partiellement dégradé doit faire l’objet d’une reconstitution) ; 17 onagres ou ânes sauvages d’origine africaine (Equus africanus) ou asiatique (Equus hemionus)

Les données archéologiques font état de présence d’ossements d’ânes dans des fouilles réalisées en Egypte à El Omari (4800 à 4500 AJC) et Maadi (4000 et 3800AJC) qui peuvent être interprétées comme appartenant à des animaux domestiqués. Des sculptures où sont représentés des ânes ont aussi été trouvées à Abydos en Libye. Ces éléments et d’autres, seraient en faveur d’une domestication de l’âne par des populations pastorales dans la zone qui s’étendrait de la Libye à la mer rouge aux environs de 5500 à 4500 ans AJC. Toutefois d’autres régions pourraient être à l’origine de la domestication de l’âne : le Yémen et la Mésopotamie.

Pour trancher le débat, les auteurs de l’article ont séquencé les génomes de 49 ânes modernes issus de régions sous représentées auxquels ils ont ajouté à 158 génomes déjà publiés pour créer une carte génomique des recombinaisons de l’espèce au niveau mondial. L’analyse en composantes principales de ces données montre un partage net entre les ânes d’Afrique et les ânes non africains. A l’intérieur du groupe africain existent deux sous classes : les ânes est africains (Ethiopie et Somalie) et les ânes ouest africains (Ghana Mauritanie et Nigeria). Les ânes non africains se divisent aussi en deux groupes les ânes européens et les ânes asiatiques.

A partir de l’analyse génomique réalisée sur ces ânes modernes, les auteurs concluent que les ânes de la corne d’Afrique représentent les descendants des premiers ânes domestiqués ; ils se seraient ensuite dispersés vers la péninsule arabique et l’Eurasie et sont revenus en Lybie et au Maghreb. Par ailleurs le séquençage d’anciens génomes, prélevés sur des ossements de 31 ânes exhumés de 11  sites archéologiques allant du Portugal à l’Asie Centrale, a montré une rapide dispersion de l’espèce domestiquée vers l’Asie alors qu’en direction de l’Europe, en dépit du fait que certains génomes présentent bien une proximité avec ceux de l’Afrique de l’ouest, de nombreux échanges sont intervenus au cours de la préhistoire et du moyen âge qui ont affecté plus fortement la source Afrique de l’Ouest.

Cette étude a permis de voir aussi que la domestication de l’âne n’a pas produit des niveaux de consanguinité plus élevés chez les ânes modernes que chez les anciens, ce qui n’est pas le cas chez le cheval. Enfin l’étude plus complète de restes asiniens trouvés  sur un site Romain (Boinville-en- Woëvre) affecté semble-t-il à l’élevage de reproducteurs, a montré que l’on y maintenait une lignée d’ânes de grande taille destinée à la production de mulets très utilisés par les armées romaines.

 

*Evelyn T. Todd et al. Science 9 septembre 2022, N°6611, pp.1172-1180  




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