Effets du braconnage sur la fréquence des éléphants sans défenses.

 Lundi 10 Janvier 2022

  

Le braconnage est à l’origine de la raréfaction d’espèces de grande taille sinon de leur disparition. Ainsi l’éléphant ne s’est maintenu en Afrique que dans des parcs nationaux car il a été chassé à outrance pour ses défenses en ivoire.

Des auteurs* se sont intéressés à l’effet du braconnage pendant la guerre civile au Mozambique (1977 à 1992) sur l’évolution des éléphants du parc national du Gorongoza. Ce braconnage évidemment avait pour cible la récupération des défenses d’éléphants qui étaient revendues par les deux protagonistes en conflit pour entretenir leurs armées. En éliminant les éléphants pour prélever leurs défenses, les braconniers ont réalisé une sélection dont ils n’avaient pas conscience sur le caractère : présence/absence de défenses. Il existe en effet dans la population d’éléphants, des individus femelles qui naturellement n’ont pas de défenses et dont le nombre a augmenté. Sur les 28 années de l’étude comprenant les 15 années de guerre civile,  les auteurs ont observé que le nombre de femelles sans défenses avait augmenté de 33% alors que la population globale n’avait cessé de décliner. Cette augmentation s’est révélée supérieure à celle antérieure au conflit (18,5%) ; elle était aussi supérieure à ce à quoi on aurait pu s’attendre en l’absence de sélection. Chez les mâles  le caractère absence de défenses n’existe pas et les prélèvements de braconnage ne l’on pas fait apparaître. Comment interpréter ces résultats ? Le braconnage avait induit une réponse évolutive, la fréquence dans la population d’éléphants de gènes déterminant la présence ou l’absence de défenses avait été modifiée. Quels étaient ces gènes ?

Les auteurs ont montré que par analogie avec ce qui se passe chez l’être humain, deux loci sont impliqués : celui qui intervient sur la synthèse de l’émail et du cément de la dent AMELX et celui qui intervient sur la dentine (ivoire) MEP1A. Le premier est situé sur le chromosome sexuel X, le deuxième sur un autosome (chromosome non lié au sexe). Les allèles qui sont présents sur le locus AMEXL sont à l’origine de la synthèse d’une protéine qui serait impliquée dans la bio-minéralisation de l’émail de la dent.

L’absence de défenses serait consécutive à une mutation dominante de l’un des allèles portés par AMEXL. Ainsi la femelle de génotype amxl/amxl possède des défenses, la femelle AMEXL/amexl ou AMEXL/AMEXL n’en a pas. Chez les mâles qui n’ont qu’un chromosome sexuel X, nous ne pouvons avoir que les génotypes suivants AMEXL ou amexl c’est-à-dire qu’il devrait y avoir dans la population des individus sans défenses et des individus avec défenses or tous les mâles ont des défenses ! Les auteurs expliquent que le locus AMELX serait proche du locus d’un gène létal et que les mâles AMEXL seraient ainsi non viables avant leur naissance.

Ce qui est intéressant dans cette étude c’est qu’inconsciemment, les braconniers ont modifié génétiquement la fréquence des gènes favorables à la survie de l’espèce. Ils ont agi comme le ferait la sélection naturelle !

 

Jane C. Campbell-Staton et al. Science, 22 octobre 2021, N°6566, pp.483-487 ;        




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